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COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 10° Chambre
COPIE
OMM"
ARRÊT AU FOND
DU 04 MAI 2004
MA/B
N° 2004/,P.A 2-
Rôle N° 00/19617 CLINIQUE PROVENÇALE DE LA TOUR D'AYGOSI
Décision déférée à la Cour
Jugement du Tribunal de Grande Instance AIX-EN-PROVENCE en date du 12 Septembre 2000 enregistré au répertoire général sous le n° 99/3182.
APPELANTE
CLINIQUE PROVENÇALE DE LA TOUR D'AYGOSI
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités au siège sis AIX EN PROVENCE
représentée par la SCP MAYNARD -SIMONI, avoués à la Cour,
assistée de la SCP CARLIN! & ASSOCIÉS, avocats au barreau de MARSEILLE
substituée par Me Main AGOPIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉS
C/
Monsieur Georges Y, décédé le 01.01.2004
Georges né le ..... à LAMBESC (13), demeurant Y LAMBESC décédé représenté par la SCP BOTTAI-GEREUX, avoués à la Cour
Jean-Marc
X
LES MUTUELLES Monsieur Jean-Marc X
DU MANS ophtalmologue, demeurant AIX ASSURANCES EN PROVENCE
CAISSE MUTUELLE représenté par la SCP ERMENEUX - ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, RÉGIONALE DE avoués à la Cour,
PROVENCE assisté de Me Christian MARCHESSAUX, avocat au barreau d'AIX EN
Michel WWW
Jean Y veuve Y
Noëlle VVV V V MANSMANS V, assignées le 27.05.2003,
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié au siège sis MARSEILLE - MARSEILLE
défaillante
Grosse délivrée
le 0 6 MAI 2004 CAISSE MUTUELLE RÉGIONALE DE PROVENCE (CMR)
f\LiCW R 6t) Organisme de sécurité sociale régi par la loi du 12.07.1966 modifiée
3 0 v, instituant le régime des commerçants et artisans, prise en la personne de son
f ét. "I- représentant légal en exercice domicilié MARSEILLE
LA3 eies représentée par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour,
ayant la SCP CARISSIMI A., DORMIERES M., ... ...., avocats au
barreau de MARSEILLE
APPELÉ EN CAUSE
Maître Michel W pris en qualité de Commissaire à l'Exécution du plan de la SOCIÉTÉ CLINIQUE PROVENÇALE DE LA TOUR D'AYGOSI
Administrateur judiciaire, demeurant 36 Rue du Docteur ... - 04000
DIGNE LES BAINS
représenté par la SCP LIBERAS - BUVAT - MICHOTEY, avoués à la Cour, ayant la SCP TREFFS-MIELLE-ROBERT, avocats au barreau de DIGNE
PARTIES INTERVENANTES
Madame Noëlle Y veuve Y prise en sa qualité d'héritière de feu Monsieur Y Georges décédé le 01.01.2004
née le ..... à SALON DE PROVENCE (13), de nationalité française, sans profession, demeurant LAMBESC
représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX, avoués à la Cour,
assistée de Me Georges ROUGON, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
Monsieur Jean Y pris en sa qualité d'héritier de feu Monsieur Y Georges décédé le 01.01.2004
né le ..... à AIX EN PROVENCE (13), de nationalité française, cadre gestionnaire dans le bâtiment, demeurant LAMBESC
représenté par la SCP BOTTAI-GEREUX, avoués à la Cour,
assisté de Me Georges ROUGON, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
*.*.*.*.*
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Février 2004 en audience publique devant la Cour composée de
Mme Elisabeth VIEUX, Présidente
Mme Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats Mme Geneviève JAUFFRES.
ARRÊT
Réputé contradictoire, Prononcé publiquement le 04 Mai 2004 par Mr. RAJBAUT Benjamin, Conseiller
Signé par Mme Elisabeth VIEUX, Présidente et Mme BELLIVIER DE PRIN, greffière présente lors du prononcé.
* * *
2i 2- 1.0 y 4
- Vu le jugement prononcé le 12 septembre 2000 par le Tribunal de Grande Instance d' AIX EN PROVENCE.
- Vu l'appel interjeté le 2 novembre 2000 par la SOCIÉTÉ CLINIQUE PROVENÇALE DE LA TOUR D'AYGOSI.
- Vu la jonction de la procédure numéro 03/21440 à la présente procédure prononcée par arrêt de ce jour
- Vu les conclusions nécessairement récapitulatives de cette Clinique en date du 22 décembre 2003 et l'intervention de Maître W, ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de cette Société, nommé à ces fonctions par jugement du 11 mars 2003 du Tribunal de Commerce d'Aix-en-Provence, et reprenant à son compte les conclusions de la SOCIÉTÉ.
- Vu les conclusions d'intervention et de reprise d'instance de Madame Veuve Y et de Monsieur Jean Y, ès qualités d'héritiers de feu Monsieur Georges Y, décédé le 1er janvier 2004, en date du 29 janvier 2004.
- Vu les conclusions de la CAISSE MUTUELLE RÉGIONALE DE PROVENCE (CMR) en date du 6 juin 2002.
- Vu les conclusions récapitulatives de Monsieur X en date du 5 février 2004.
- Vu l'assignation délivrée le 27 mai 2003 à la requête de la CLINIQUE PROVENÇALE DE LA TOUR D'AYGOSI à personne habilitée à recevoir l'acte pour le compte des MUTUELLES DU MANS.
- Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 24 février 2004.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Monsieur Georges Y a été opéré le 29 mai 1997 d'une cataracte par le Docteur X à la CLINIQUE PROVENÇALE DE LA TOUR D'AYGOSI.
Le 9 juin 1997 une infection intraoculaire sévère à staphylocoque épidermique était décelée.
Statuant après dépôt du rapport de l'expert ..., judiciairement commis, le Tribunal a
4 déclaré la CLINIQUE PROVENÇALE DE LA TOUR D'AYGOSI et le Docteur X responsables de l'infection nosocomiale contractée par Monsieur Georges Y au cours de cette intervention ;
4 condamné in solidum la CLINIQUE PROVENÇALE DE LA TOUR D'AYGOSI et le Docteur X à payer à Monsieur Georges Y une provision à valoir de 100 000 F et à la CMR la somme de 38 674,23 F ;
4 ordonné une expertise de quantification du dommage subi. O
En l'état de l'appel principal de la CLINIQUE PROVENÇALE DE LA TOUR D'AYGOSI et de l'appel incident du Docteur X et des demandes de confirmation principale des consorts Y et de la CMR et subsidiairement en complément d'expertise sur le caractère nosocomial ou non de l'infection, la Cour est principalement saisie de la détermination du caractère nosocomial de l'infection et subsidiairement de l'absence de toute faute du Docteur X en l'état de la loi du 4 mars 2002.
1°) Nature de l'infection
La CLINIQUE PROVENÇALE DE LA TOUR D'AYGOSI estime
n que le caractère nosocomial de l'infection constatée n'est pas établi alors que la première expertise SARACCO est muette sur les causes de l'infection, que le deuxième rapport RIDINGS est tout aussi muet sur ces causes, que l'infection est apparue 11 jours après l'intervention ce qui est un délai particulièrement long ne permettant pas d'exclure un défaut de suivi post opératoire (pansement refait sans précaution), qu'elle produit le plan de nettoyage journalier du bloc opératoire et démontre les parfaites conditions d'asepsie et de désinfection du bloc ainsi que le programme opératoire qui apporte la preuve de l'absence de toute autre contamination microbienne ;
n qu'à supposer ce caractère nosocomial établi elle rapporte la preuve d'une cause étrangère exonératoire, l'infection ne pouvait provenir que de germes déjà présents dans l'organisme du patient, et de ce fait irrésistible ;
§ que ce fait tient au caractère endogène de l'infection, le germe étant un staphylocoque épidermidis, présent sur la peau et dans l'oeil, donc endogène, qu'il en résulte que l'infection n'est due qu'au geste opératoire et ne peut être qualifiée de nosocomiale, mais d'aléa thérapeutique alors que ni les instruments de chirurgie, ni l'asepsie du bloc ne peuvent être suspectés.
Le Docteur X conteste la motivation du Tribunal qui a statué sans expertise sur l'origine de l'infection et n'a pas relevé le caractère tardif de l'apparition de 1 ' infection.
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Subsidiairement, il rappelle qu'il ne peut être tenu que d'une faute prouvée.
Les consorts Y estiment non contestable le caractère nosocomial de l'infection, dont Monsieur Y était indemne à son entrée en clinique, ce que reconnaissent et la Clinique et le Docteur X et qui a présenté, peu après sa sortie de clinique et sur l'oeil opéré, une infection reconnaissable aux plans clinique et microbiologique.
Ils contestent les prétendues preuves apportées par la Clinique qui ne sauraient la décharger de l'obligation de résultat pesant sur elle.
Il résulte de l'expertise du Professeur ..., exclusivement chargé de déterminer si une faute avait été commise, que
q Monsieur Y a été opéré le 29 mai 1997 de cataracte de l'oeil gauche ;
q qu'il a été suivi régulièrement par le Docteur X le premier, cinquième et onzième jour post opératoires ;
q que la gêne a été signalée pour la première fois le 9 juin et que le Docteur X a immédiatement diagnostiqué une infection sévère, opérée le jour même à la clinique MONTICELLI (vitrectomie postérieure) ;
q que Monsieur Y a été à nouveau opéré le 10 juillet 1997 pour un décollement de rétine avec vitrectomie postérieure complémentaire.
Il résulte des conclusions mêmes des appelants principale et incident que Monsieur Y était exempt de toute infection à son entrée en clinique le 29 mai 1997. Cette affirmation est encore renforcée par la lettre adressée le 5 novembre 1999 par le Docteur ..., médecin de la MACSF, intervenant dans le contentieux "REYMONDET/CORNEGLIO", à Monsieur Y indiquant notamment
"L'infection était absente dans les antécédents et à l'entrée du patient à la clinique.
Il s'agit d'une infection à staphylocoque épidermidis, germe normalement présent sur la peau, susceptible d'être une source de contamination propre du patient mais nous ne pouvons pas en rapporter la preuve.
L'infection s'est produite plus de deux jours après l'hospitalisation, onze jours après l'intervention et à la sortie de l'établissement.
Nous sommes donc en présence d'une présomption d'infection nosocomiale, sans certitude ni preuve puisque les définitions ne déterminent pas pendant quelle période post opératoire le risque nosocomial persiste.
Notons que cette complication infectieuse a été légèrement favorisée par la complication peropératoire qui n'était, en soi, absolument pas fautive".
S'il n'existe pas de définition légale de l'infection nosocomiale, il résulte d'une circulaire du Ministère de la Santé du 29 décembre 2000 que "les infections nosocomiales sont des infections contractées dans un établissement de santé et qu'une infection est dite nosocomiale, au sens des 100 recommandations pour la surveillance et la prévention des infections nosocomiales, si elle apparaît au cours ou à la suite d'une hospitalisation et si elle était absente à l'admission à l'hôpital. Ce critère est applicable à toute infection lorsque la situation précise à l'admission n'est pas connue, un délai d'au-moins 48 heures après l'admission (ou un délai supérieur à la période d'incubation lorsque celle-ci est connue) est communément accepté pour distinguer une infection nosocomiale d'une infection communautaire. Toutefois, il est recommandé d'apprécier, dans chaque cas douteux, la plausibilité du lien causal entre hospitalisation et infection.
Pour les infections du site opératoire, on considère comme nosocomiales les infections survenues dans les 30 jours suivants l'intervention, ou, s'il y a mise en place d'une prothèse ou d'un implant, dans l'année qui suit l'intervention".
C'est donc pour une lecture limitée et orientée que les appelants se crispent sur le délai de 48 heures, qui signerait seul, selon eux, le caractère nosocomial, alors que ce délai est un minimum retenu en cas de situation inconnue à l'admission.
Ils avancent le caractère tardif (11 jours) de l'apparition de l'infection sans aucunement le documenter par rapport au délai d'apparition d'une telle infection.
Or la circulaire précitée est très claire sur le délai de 30 jours retenu dans les infections du site opératoire, ce qui est le cas en l'espèce.
L'ensemble des critères d'une infection nosocomiale étant ainsi réunis (absence de toute infection à l'admission, infection à staphylocoque du site opératoire dans les 11 jours de l'intervention) il y a lieu de retenir le caractère nosocomial de l'infection.
La Clinique ne saurait se dégager de la présomption de responsabilité qui pèse sur elle en avançant son absence de faute et les preuves qu'elle prétend fournir de l'absence de contamination par les instruments opératoires ou le bloc opératoire sont inopérantes.
Elle ne démontre pas
ü la faute du patient dans le suivi post opératoire, alléguant, sans aucun élément, un possible relâchement dans les soins de changement de pansement (aucune des expertises ne fait état de ce fait qui n'aurait pas échappé aux parties représentées) ;
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ü le caractère endogène du germe qui est supposé et affirmé sans aucune démonstration, pas même un article médical sur le sujet.
Il convient de relever d'ailleurs que la présomption du caractère nosocomial de l'infection ne faisait pas de doute pour le Docteur ..., médecin de la MACSF, cité plus haut.
2°) Conséquences juridiques
La Clinique ne se libérant pas de la présomption de responsabilité pesant sur elle en vertu des dispositions de la loi du 4 mars 2002, c'est à bon droit que le Tribunal l'a condamnée à réparer l'entier dommage de Monsieur Y.
En revanche, s'il résulte de la loi du 30 décembre 2002 que la loi du 4 mars 2002 s'applique à tous les actes médicaux dommageables réalisés au plus tôt le 5 septembre 2001, même s'ils font l'objet d'une instance en cours, il apparaît de l'évolution législative précitée la nécessité de redéfinir l'obligation contractuelle qui pèse sur le médecin comme une obligation de moyens nécessitant pour le patient insatisfait de faire la preuve d'une faute du praticien.
Or l'expertise effectuée par le Professeur ... démontre le caractère attentif et consciencieux des soins apportés par le Docteur X qui doit être mis hors de cause.
Il convient de faire droit à la demande de remboursement des provisions présentée par le Docteur X.
Les frais irrépétibles engagés en cause d'appel par les consorts Y doivent être limités à la somme supplémentaire de 2 000 euros à charge de la CLINIQUE PROVENÇALE DE LA TOUR D'AYGOSI.
L'équité commande que la CMR conserve ses frais irrépétibles.
Les dépens doivent suivre le sort du principal.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
- Déclare recevable mais mal fondé l'appel interjeté à titre principal par la CLINIQUE PROVENÇALE DE LA TOUR D'AYGOSI et recevable et bien fondé l'appel interjeté à titre incident par Monsieur X à l'encontre du jugement prononcé le 12 septembre 2000 par le Tribunal de Grande Instance d' AIX EN PROVENCE.
- En conséquence,
- Mettant à néant les seules dispositions de ce jugement qui ont
* déclaré le Docteur Jean Marc X à payer à Monsieur Georges Y les sommes de CENT MILLE FRANCS (100 000 F) soit QUINZE MILLE DEUX CENT QUARANTE QUATRE EUROS QUATRE VINGT DIX CENTS (15 244,90 E) et SEPT MILLE FRANCS (7 000 F) soit MILLE SOIXANTE SEPT EUROS QUATORZE CENTS (1 067,14 é) et à la CAISSE MUTUELLE RÉGIONALE DE PROVENCE (CMR) les sommes de TRENTE HUIT MILLE SIX CENT SOIXANTE QUATORZE FRANCS VINGT TROIS CENTIMES (38 674,23 F) soit CINQ MILLE HUIT CENT QUATRE VINGT QUINZE EUROS QUATRE VINGT CINQ CENTS (5 895,85 E) et MILLE CINQ CENTS FRANCS (1500 F) soit DEUX CENT VINGT HUIT EUROS SOIXANTE SEPT CENTS) ;
* ordonné que expertise médicale se poursuive au contradictoire du Docteur X ;
* condamné le Docteur Jean Marc X aux dépens de première instance.
- Confirmant toutes les autres dispositions, statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant
- Déboute les consorts Y de toutes leurs demandes dirigées contre Monsieur Jean Marc X et les condamne à lui rembourser les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire du jugement.
- Condamne la CLINIQUE PROVENÇALE DE LA TOUR D'AYGOSI à payer aux consorts Y la somme de DEUX MILLE EUROS (2 000 euros) supplémentaire au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour leur frais irrépétibles d ' appel.
- Condamne la CLINIQUE PROVENÇALE DE LA TOUR D'AYGOSI aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de SCP BOTTAI - GEREUX, de la SCP ERMENEUX - ERMENEUX -CHAMPLY- LEVAIQUE et de la SCP COHEN - GUEDJ, avoués, sur leur affirmation de droit.
Rédactrice Madame ...
Madame it.E.)-i-4 td- t G. R Ut_ ee.)..e.., har Mie mienne,
GREFFIÈRE il Le Greffier en (lef
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Madame ... PRÉSIDENTE