CA Paris, 1ère, B, 23-09-2004, n° 02/16713



COUR D'APPEL DE PARIS 1ère Chambre - Section B

ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2004

(n° 2S-3, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général 02/16713

Décision déférée à la Cour Jugement du 14 Mai 2002 -Tribunal de Grande Instance de CRÉTEIL - RG n° 200106432

APPELANTE

La SOCIÉTÉ FERRING-S.A.S.-

Dont le siège social est situé GENTILLY

représentée par Me Dominique OLIVIER, avoué à la Cour,

assistée Me J. ..., avocat au barreau de PARIS, toque M 49

INTIMÉ

Monsieur C. ...

demeurant
SAINT-GEORGES D'ORQUES
représenté par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour, assisté de Me Mario STASI, avocat au barreau de PARIS, toque R 130

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COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Mai 2004, en audience publique, devant la Cour

composée de

Monsieur ANQUETIL, président

Madame BRONGNIART, conseiller

Monsieur DIXIMIER, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats Madame TALABOULMA

Ministère publie

représenté lors des débats par Madame ..., Substitut Général, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par Monsieur ANQUETIL, président

- signé par Monsieur ANQUETIL, président

et par Madame TALABOULMA, greffier présent lors du prononcé.

Par jugement contradictoire rendu le 14 mai 2002, le Tribunal de Grande Instance de CRÉTEIL, statuant sur la demande de Monsieur C. ..., a

- déclaré la société FERRING entièrement responsable des dommages résultant de la néphrite interstitielle immun-allergique dont le demandeur a souffert en 1997,

- sursis à statuer sur la liquidation du préjudice soumis au recours des organismes de sécurité sociale, dit que C. ... devra les mettre en cause et renvoyé de ce chef l'affaire à la mise en état,

- fixé le préjudice à caractère personnel à la somme de 32 000euros et condamné avec exécution provisoire la société FERRING à régler cette somme avec intérêts légaux à compter du jugement, outre celle de 2 500euros pour les frais irrépétibles;

Les premiers juges avaient été saisis dans les circonstances suivantes
C. ... né le 28 février 1965, avait été traité pour une rectocolite hémorragique de fin 1994 à février 1997 par le médicament PENTASAR, spécialité pharmaceutique dont la molécule active est la Mesalazine, agent anti-inflammatoire intestinal, distribué en France par le laboratoire FERRING;

Il a été hospitalisé en mars 1997 pour une grave atteinte rénale;

Une expertise a été confiée par ordonnance de référé du 17 décembre 1998 aux professeurs MEYRIER et GUYON, dont le rapport a été déposé le 22 mars 2000;

C. ... a assigné en responsabilité la société FERRING;

C'est de ce jugement que la société FERRING est appelante; par dernières écritures du 26 avril 2004, elle soutient que

- le jugement déféré est nul, le Tribunal s'étant substitué au demandeur et ayant relevé d'office des moyens de fait et de droit sur lesquels la défenderesse n'avait pu débattre contradictoirement et organiser sa défense; ainsi de l'application des dispositions de l'article 1386-1 du Code Civil telles qu'issues de la loi n°98-389 du 19 mai 1998 et de la question de la prescription liée à celle de la mise en circulation du produit litigieux, non discutée par le demandeur; le Tribunal ayant également jugé ultra petita en prononçant des condamnations au titre du pretium doloris et du préjudice d'agrément, alors que C. ... n'avait pas formé de telles demandes;

- les demandes de C. ... sont irrecevables car

PI elles se heurtent à la règle du non-cumul des deux ordres de responsabilité, en ce qu'il

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entend engager à la fois la responsabilité délictuelle et contractuelle du laboratoire (demandes au visa des articles 1382 et 1147 du Code Civil);

2°/ la responsabilité prétendument autonome de l'article 1386-1 du Code Civil, telle que résultant de la transposition de la directive européenne n°85/374 du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité des produits défectueux, est inapplicable dans la mesure où ce texte n'était pas en vigueur lors de la mise en circulation du Pentue qui date de février 1987 sous certaines formes puis d'août 1988 (date des autorisations de mise sur le marché); 3°/ enfin les demandes sont prescrites, par application de l'article 1386-16 du Code Civil si on admet que la responsabilité pour produits défectueux prévues aux articles 1386-1 et suivants s'applique, étant précisé que la mise sur le marché remonte à février 1987 ou août 1988 et que l'assignation en référé a été délivrée plus de dix ans après, soit le 12 novembre 1998;

- les demandes de C. ... sont mal fondées, 17 en ce qu'elles se fondent en dernier lieu sur les articles 1147 et 1382 du Code Civil interprétés à la lumière de la directive n°85/374 du 24 juillet 1985 et sur la défectuosité du produit, sans que le demandeur ne respecte les principes posés par la directive européenne telle qu'interprétée par la COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTES EUROPEENES en ses arrêts du 25 avril 2002;

27 en ce que les experts ne relèvent aucune faute à l'encontre du laboratoire;

3°/ en ce qu'aucune violation de l'obligation de signalement ne peut être reprochée, que le laboratoire a respecté son devoir d'information;

- la prétendue violation de l'obligation de sécurité et le prétendu caractère défectueux du produit ne sont pas démontrés par C. ..., ni le lien de causalité entre la défectuosité alléguée et le dommage;

- la concluante est fondée à opposer la cause exonératoire tirée de l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit qui ne permettaient pas de déceler le risque ("risque de développement");

- la faute de C. ..., le traitement étant inapproprié en posologie et en durée, et des pratiques d'auto-prescription et d' automédication ayant été mises en évidence;

- à titre subsidiaire, les demandes de réparation au titre du pretium doloris et du préjudice d'agrément sont irrecevables comme formées pour la première fois devant la Cour, et le préjudice matériel allégué n'est pas sérieux ni justifié;

L'appelante demande la nullité et subsidiairement l'infirmation de la décision, le débouté de C. ..., sa condamnation à restituer les sommes versées au titre de l'exécution provisoire, avec intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir, et à payer au titre des frais irrépétibles la somme de 6 000f;

Par dernières conclusions du 7 mai 2004 (re-déposées dans les mêmes termes le 13 mai suivant, après la clôture en date du 7 mai), C. ..., intimé, soutient que
- le Tribunal n'a relevé aucun moyen de fait ou de droit d'office qui n'aurait pas été débattu, au vu des écritures des parties et du jugement critiqué; que le concluant avait invoqué les dispositions de la directive européenne du 25 juillet 1985, transposée aux articles 1386-1 du Code Civil (page 5-8 des conclusions récapitulatives n°3), que le Tribunal pouvait répondre à la question de la prescription même si lui-même n'avait pas conclu sur ce point; qu'enfin il avait demandé la réparation de son préjudice matériel et personnel, lequel consiste en pretium doloris et préjudice d'agrément (cf page 14 des conclusions); que le jugement déféré n'est donc pas nul;

- ses demandes sont recevables, 17 parce que la Cour de Cassation dans un arrêt du 5 janvier 1999 a déclaré responsable le fabriquant d'un médicament au visa des articles 1382 et 1147 du Code Civil interprété à la lumière de la directive CE n°85-374 du 25 juillet 1985 et alors que la loi de transposition n'était pas applicable à l'espèce; qu'en effet la responsabilité du fait des produits défectueux a un caractère mixte;

2°/ parce que l'article 1386-16 invoqué par l'appelante, non sans contradiction, est inapplicable à l'espèce, pour avoir été introduit postérieurement à la réalisation du dommage; que le demandeur bénéficiait encore des dispositions de l'article 2270-1 du Code Civil;

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rair.







- ses demandes sont bien fondées pour les raisons suivantes
a/ la responsabilité de la société FERRING est engagée de plein droit pour violation de l'obligation de sécurité en raison du défaut d'information sur le produit (article 1386-4 du Code Civil et L221-1 du code de la Consommation), la commercialisation du produit litigieux ayant causé un dommage irréversible au concluant et le lien de causalité entre le préjudice subi et la prise du médicament étant établi au regard des conclusions des experts; b/ la responsabilité de la société FERRING est engagée pour violation de l'obligation de signalement (article R5144-20 du Code de la Santé publique);

c/ C. ... n'a pas commis de faute, l'accident pouvant survenir à tout moment sans relation avec la dose administrée ou la durée du traitement, la prescription en l'espèce étant conforme aux données actuelles de la thérapeutique et aucune limitation de durée n'étant indiquée dans la notice;

d/ le préjudice est démontré; d'une part, le concluant, du fait de l'atteinte rénale subie, a dû démissionner de son emploi de directeur salarié d'un complexe château-hôtel en Sologne, il a racheté un fonds de commerce à Montpellier qu'il n'a finalement pas pu exploiter et qu'il a dü revendre; il n'a retrouvé un emploi qu'en 2002; son préjudice est de 374 744E; il précise qu'il a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de CRÉTEIL la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE du LOIRET et la RAM de Languedoc Roussillon, le tribunal, après jonction des dossiers, ayant ordonné la radiation dans l'attente de l'arrêt de la Cour;

d'autre part le préjudice personnel est important;

enfin l'état de santé du concluant s'est aggravé; il est dans l'attente d'une greffe et subi une dialyse péritonéale quatre fois par jour à domicile; sa capacité de travail actuelle est de 30%; il se réserve le droit d'en saisir ultérieurement le Tribunal et n'entend pas faire juger la Cour sur ce point;

e/ le rapport d'expertise contient des contradictions et des contre-vérités;

Il demande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société FERRING, de la condamner à lui verser 374 744E en réparation de son préjudice matériel et 45 000E en réparation de son préjudice personnel; de lui donner acte de ce qu'il a mis en cause les organismes de sécurité sociale devant le Tribunal de Grande Instance de Créteil et de ce qu'il n'entend pas demander dans le cadre de la présente instance la réévaluation de son préjudice du fait de l'aggravation constatée de son état, mais se réserve la faculté d'en saisir le Tribunal de Grande Instance; il sollicite pour ses frais irrépétibles la somme de 25 000E;

SUR CE. LA COUR,

Sur la nullité dujugement déféré

Considérant qu'il résulte des dernières conclusions de C. ... en première instance que ses demandes avaient pour fondement juridique l'article 1386-4 du Code Civil (manquement à l'obligation de sécurité), les dispositions combinées de l'article 1147,1384 du Code Civil, la directive européenne du 24 juillet 1985 relative aux produits défectueux et l'article L221-1 du Code de la consommation d'une part, d'autre part l'article R5144-20 du Code de la Santé publique (manquement à l'obligation de signalement);

que la société FERRING ne prétend pas que ces dernières conclusions auraient été déposées tardivement au point de ne pas pouvoir y répondre;

que la question de la prescription tirée de l'article 1386-16 du Code Civil a été soulevée par la société FERRING elle-même;

que les premiers juges n'ont donc soulevé aucun moyen d'office et que le débat a été contradictoire et loyal;

qu'enfin les conclusions de C. ... tendaient à la réparation de son préjudice matériel et professionnel d'une part et celle de son préjudice moral d'autre part, de sorte que les premiers juges n'ont pas jugé ultra petita;

qu'il n'y a lieu d'annuler le jugement;

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Ma



Sur la responsabilité de la société FERRING

Considérant qu'en appel, les parties ne peuvent pas former de nouvelles demandes, sauf exceptions prévues par la loi, mais ont la liberté de choisir les moyens au soutien de leur appel;

que, devant la C., C. ... demande de juger engagée la responsabilité de la société FERRING

. d'une part en raison d'un manquement à son obligation de sécurité dans la mise en circulation du produit PentasaR, consistant dans une information insuffisante dans la notice ou le résumé des caractéristiques du produit (RCP), défaut du produit qui serait à l'origine du dommage; qu'il invoque à cette fin la responsabilité de plein droit du fait d'un produit défectueux, résultant de la directive européenne n° 85-374 du 25 juillet 1985, applicable aux faits de l'espèce, soit par interprétation à sa lumière des articles 1382 et 1147 du Code Civil, soit en raison de l'article 1386-1 et suivants du Code Civil ayant transposé ladite directive et de l'article L221-1 du Code de la Consommation;

. d'autre part en raison d'un manquement à son obligation professionnelle de signalement telle que résultant de l'article R 5144-20 du Code de la Santé publique, faute qui serait à l'origine du dommage;

que ces demandes ainsi fondées sont recevables;

Considérant, sur le manquement à l'obligation de sécurité, que les articles 1386-1 et suivants en leur rédaction résultant de la loi n°98-389 du 19 mai 1998, ne sont pas applicables à l'espèce, la mise en circulation du Pentose remontant à 1987 ou 1988;

que pour autant, aux termes des articles 1147 et 1384, alinéa premier, du Code civil, interprétés à la lumière de la directive CEE n°85-374 du 24 juillet 1985, tout fabriquant est responsable des dommages causés par un défaut de son produit, tant à l'égard des victimes immédiates que des victimes par ricochet, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'elles ont la qualité de partie contractante ou de tiers; qu'en effet le fabricant est tenu de livrer un produit exempt de tout défaut de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, c'est-à-dire un produit qui offre la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre;

qu'également à la lumière de la directive CEE n°85-374 du 24 juillet 1985, le fabriquant peut cependant s'exonérer eu égard à l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit défectueux;

Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que la néphrite interstitielle immuno-allergique dont a souffert C. ... est en relation directe et certaine avec l'administration du PentasaR, médicament fabriqué ou en tout cas commercialisé en France par la société FERRING;

qu'il n'est pas discuté que la notice ou le RCP ne mettait pas en garde l'utilisateur de ce médicament (ou le prescripteur) contre l'existence d'effets secondaires, même exceptionnels, consistant en l'atteinte rénale qu'a subitChristophe MAUDUIT;

que ce défaut d'information peut être assimilé à un défaut du produit et constitue le manquement à l'obligation de sécurité qui pourrait être reproché à la société FERRING;

Considérant que l'état des connaissances sur les effets secondaires et indésirables du PentasaR, lors de la réalisation du dommage, était cependant limité;

. qu'il résulte en effet du rapport d'expertise, non sérieusement contredit, que toutes les notices des divers pays où le produit est commercialisé recommandaient de l'utiliser avec précaution (plus ou moins précisée selon les notices) chez les malades connus pour souffrir d'une maladie rénale pré-existante (ce qui n'était pas le cas de Christophe MAUDUIT), étant connu l'effet toxique possible du produit sur les tubules rénaux (pages 34-37-38);

. mais que les complications de type immunologique,- néphrite interstitielle comme chez C. ..., ou syndrome néphrotique-, qui sont parfaitement imprévisibles, survenant après des durées de traitement ex &liement variables, sur des reins jusque-là parfaitement sains et quelle que soit la dose administrée, étaient peu connus (pages 34-35); . qu'il n'existait pas alors un consensus international pour avertir le corps médical de ce

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risque immuno-allergique à la prise de Mesalazine; en raison de la rareté des publications existant alors (page 38), même si le laboratoire japonais Yamanouchi préconisait en mars 1996 un contrôle régulier de la fonction rénale lors d'un traitement de longue durée, comme l'indique C. ...;

. qu'il résulte d'un rapport de synthèse de Pharmacovigilance déposé le 17/4/96 par la société FERRING à l'Agence du médicament que cinq cas d'effets indésirables concernant la toxicité rénale étaient connus; qu'un cas d'effet indésirable grave concernant le Pentasa a été envoyé encore le 14/5/97 à cette Agence par la société FERRING;

. que la société FERRING avait demandé en août 1996 au professeur ... un rapport d'expertise; qu'après analyse des 8 cas connus d'accidents rénaux de la mésalazine de 1986 à 1996 (2 semblables à l'affection dont a été victime Christophe MAUDUIT), cet expert conclut qu'on ne pouvait pas se passer de ce produit dans les maladies intestinales chroniques inflammatoire (comme la rectocolite ulcéro-hémorragique dont souffrait Christophe MAUDUIT) et qu'il convenait de procéder à une surveillance rénale, notamment un dosage de la créatinine plasmatique avant puis après six mois de traitement et enfin chaque année (pages 20-23); qu'il appartenait aux autorités sanitaires de décider si ce niveau de risque exige une mise en garde spécifique et d'évaluer dans quelle mesure le coût de précautions complémentaires apparaît justifiée au regard d'une risque hypothétique eu égard à son amplitude (incidence) et à sa gravité (mortalité, réversibilité) (page 25);

. que les autres sources confortent ces conclusions (pages 23-24);

. qu'enfin une demande de modification de l'information médicale avait été déposée à l'Agence par la Firme FERRING dès le 5/11/96 mais qu'aucune décision n'avait été prise à la date du dommage par cette Agence, décision dont la société FERRING ne pouvait légalement se passer pour modifier son information publique (page 35) et qui n'interviendra que le 24/11/1998 (pages 38-39);

Considérant, dans l'état de ces connaissances scientifiques et des conditions légales réglementant l'information pharmaceutique, qu'il y a lieu d'exonérer la société FERRING de sa responsabilité, aucun manquement à son obligation de sécurité ne pouvant lui être reprochée;

qu'au demeurant, il n'est pas contesté que C. ... avait fait l'objet d'une certaine surveillance rénale, [dosage de créatinine sérique en 1994-95 et analyses d'urée en 97, éliminant l'hypothèse d'une insuffisance rénale sévère (pages 11-14)-, sous réserve de la période septembre 95-mars 97 relevée par C. ... dans ses écritures], de sorte que même si la notice ou le RCP du Pentasa avait recommandé une surveillance rénale en cas de traitement prolongé, le dommage, imprévisible, de nature immuno-allergique, et pouvant survenir à tout moment, ainsi que l'ont noté les experts (pages 3435), aurait pu tout de même se réaliser;

Considérant, sur l'obligation de signalement résultant de l'article R 5144-20 du Code de la Santé publique, qu'il résulte du rapport d'expertise que la société FERRING avait reçu connaissance entre 93 et 94 d'un cas d'insuffisance rénale chez un adulte et d'un cas d'anomalie de la croissance et de la structure du rein chez un foetus ( page 23); que les experts considèrent que le délai écoulé entre la mise sur le marché (1987) et l'enquête officielle de Pharmacovigilance (1996) est liée à ce très faible nombre de cas de toxicité rénale détectés (page 39);

que la société FERRING a déposé dès le 17/04/96 un rapport de synthèse de pharmacovigilance à l'Agence du Médicament, relatant les cinq cas de toxicité rénale connus en 1995, et le 14/5/1997 un nouveau cas d'effet indésirable (page 38);

qu'elle n'a donc pas manqué à son obligation légale de signalement;

qu'au demeurant, il sera encore rappelé que la nature immuno-allergique de l'affection subie par C. ... fait qu'elle pouvait survenir à tout moment et qu'une information même complète ne l'aurait pas nécessairement empêchée;

Considérant que la société FERRING n'est pas responsable de la néphrite interstitielle immuno-allergique dont C. ... a souffert en 1997;

Cour d'Appel de Paris ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2004 1ère Chambre, section B RG n° 2002/16713- 6ème page que le jugement sera infirmé;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie ses frais irrépétibles d'appel;

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;

D. C. ... de ses demandes;

Rappelle en tant que besoin que l'infirmation de la décision entreprise vaut condamnation à restituer les sommes versées au titre de l'exécution provisoire de la décision infirmée, les intérêts légaux courant à compter de la signification du présent arrêt;

Rejette toutes autres demandes des parties;

C. C. ... aux dépens de première instance et d'appel, et dit que le montant de ces derniers pourra être recouvré directement par Me ..., avoué, dans les conditions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Cour d'Appel de Paris C. ..., section B

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