Cass. soc., 29-09-2004, n° 03-42.025, F-D, Rejet



SOC.PRUD'HOMMESD.S

COUR DE CASSATION

Audience publique du 29 septembre 2004

Rejet

M. FINANCE, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président

Arrêt n° 1780 F D

Pourvoi n° S 03-42.025

à C 03-42.265 JONCTION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

I - Sur les pourvois n°s S 03-42025 à P 03-42.045 formés par

1°/ Mme Joséphine Z (Gnagnene Nadro), demeurant Paris,

2°/ Mme Narcissa Y, demeurant Savigny-sur-Orge,

3°/ Mme Kheira X, demeurant Créteil,

4°/ Mme Cherifa W, demeurant Epinay-sur-Seine,

5°/ Mme Yéma V, demeurant Villeneuve-Saint-Georges,

6°/ M. Elies U, demeurant Gagny,

7°/ Mlle Aziza T, demeurant Saint-Maur-des-Fossés,

8°/ Mlle Nadia Ben S, demeurant Clichy,

9°/ M. José R, demeurant Nogent-le-Roi,

10°/ Mme Djamila Q, demeurant Argenteuil,

11°/ Mme Brigitte P, demeurant Saint-Denis,

12°/ Mme Mercédès O, demeurant Paris,

13°/ Mme Virginia N, demeurant Paris,

14°/ M. Johny M, demeurant Paris,

15°/ Mme Ouiza L, demeurant Paris,

16°/ Mme Maria K, demeurant Epinay-sur-Seine,

17°/ Mme Maria K, demeurant Villeneuve-Saint-Georges,

18°/ Mme Bibi J, demeurant Créteil,

19°/ Mme Zohra Ben S, demeurant Houilles,

20°/ Mme Amélé I, demeurant Paris,

21°/ Mme Naïma H, demeurant Gennevilliers,

22°/ l'Union Locale des syndicats CGT du 17ème arrondissement, dont le siège est Paris,

en cassation de vingt-et-un arrêts rendus le 21 janvier 2003 par la cour d'appel de Paris (22e chambre B), dans l'instance les opposant à la société des Hôtels Concorde Lafayette, dont le siège est Paris,

II - Sur les pourvois n°s C 03-42.219 à C 03-42.265 formés par la société des Hôtels Concorde Lafayette, en cassation des mêmes arrêts rendus entre ces vingt-et-une parties, et vingt-six autres arrêts rendus le même jour par la même cour au profit de

1°/ Mme Augustine G, demeurant Tremblay-en-France,

2°/ de Mme France F, demeurant Paris,

3°/ de Mme Maria Madalena Alves K, demeurant Paris,

4°/ de M. Valentin E, demeurant Paris,

5°/ de M. Mourad Ait D, demeurant Colombes,

6°/ de Mlle Marie France F, demeurant Aubervilliers,

7°/ de Mme Christiane C, demeurant Menou,

8°/ de Mme Abimbola B, demeurant Bondy,

9°/ de M. Siatiti AA, demeurant Bondy,

10°/ de Mme Adriana ZZ, demeurant Gennevilliers,

11°/ de Mme Esefa YY, demeurant Colombes,

12°/ de Mme Aïcha XX, demeurant Bobigny,

13°/ de Mme Catherine WW, demeurant Mantes-la-Ville,

14°/ de Mme Aïda VV, demeurant Colombes,

15°/ Mme Régine UU, demeurant Sucy-en-Brie,

16°/ Mme Denise TT, demeurant Brenouille,

17°/ M. Lahbib SS, demeurant Saint-Gratien,

18°/ Mme Ounassa RR, demeurant Paris,

19°/ Mme Nathalie QQ, demeurant Paris,

20°/ Mme Faten El PP, demeurant Achères,

21°/ M. Oscar OO, demeurant Savigny-sur-Orge,

22°/ M. Dilip NN, demeurant Montreuil,

23°/ Mme Maria Da K, demeurant Viry-Chatillon,

24°/ Mme Kalenga MM, demeurant Saint-Ouen L'Aumône,

25°/ Mme Esther LL, demeurant Aubervilliers,

26°/ Mme Fatou KK, demeurant Roissy-en-Brie, défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 30 juin 2004, où étaient présents M. Finance, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Barthélemy, conseiller rapporteur, M. Trédez, conseiller, Mmes Auroy, Bouvier, conseillers référendaires, M. Duplat, avocat général, Mme Bringard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Barthélemy, conseiller, les observations de la SCP Parmentier et Didier, avocat de Mme Z, de Mme Y, Mme X, de Mme W, de Mme V, de M. U, de Mlle T, de Mlle Ben S, de M. R, de Mme Q, de Mme P, de Mme O, de Mme N, de M. M, de Mme L, de Mme JJ, de Mme II, de Mme J, de Mme Ben S, de Mme I, de Mme H, de l'Union locale des syndicats CGT du 17e arrondissement, de la SCP Bachelier et Potier de la Varde, avocat de la société des Hôtels Concorde Lafayette, les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu leur connexité, joint les pourvois n°s S 03-42.025 à P 03-42.045 des salariés et N°s C 03-42.219 à C 03-42.265 de l'employeur ;

Attendu que Mme Z et un certain nombre de salariés de la société des Hôtels Concorde "Hôtel Concorde Lafayette", faisant valoir qu'ils n'avaient pas été remplis de leurs droits en matière de rémunération, ont saisi la juridiction prud'homale ; que l'union locale des syndicats CGT est intervenue à l'instance ;

Sur le moyen commun aux pourvois J 03-42.225, K 03-42.226, U 03-42.234, D 03-42.243, N 03-42.251, P 03-42.229, Q 03-42.253, Z 02-43.262 et A 03-42.263 de l'employeur, qui est préalable

Attendu que l'employeur fait grief aux arrêts attaqués (Paris 21 janvier 2003) d'avoir rejeté la fin de non recevoir tirée d'une transaction, alors, selon le moyen, que la transaction règle les différends qui s'y trouvent compris ; qu'ainsi dès lors que la transaction conclue avec le salarié, en exécution de l'accord d'établissement du 19 janvier 1996 qui avait défini les grilles de salaire, fixait la rémunération du salarié lequel renonçait à toute action future concernant l'objet de la transaction, ladite transaction emportait nécessairement renonciation à toute remise en cause ultérieure du montant de ce salaire à raison du niveau plus élevé des salaires consentis à d'autres salariés, dont le représentant syndical, qui assistait le salarié, avait une connaissance opposable à celui-ci ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 2048 et 2049 du Code Civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, après avoir rappelé que la renonciation par les salariés ne pouvait concerner que le différend ayant donné lieu à cette transaction, en a exactement déduit au vu des éléments qui lui étaient soumis, que la réclamation fondée sur le principe "à travail égal, salaire égal" n'entrait pas dans l'objet de cette transaction ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen commun aux pourvois n° S 03-42.025 à P 03-42.045 des salariés

Attendu que les salariés font grief aux arrêts de les avoir déboutés de leur demande en paiement de rappel de salaire et congés payés afférents, alors, selon le moyen, que

1°) le principe "à travail égal, salaire égal", énoncé par les articles L. 133-5 4° et L. 136-2 8° du Code du travail, impose à l'employeur d'assurer l'égalité de rémunération de tous les salariés, pour autant que ces salariés sont placés dans une situation identique ; que la différence d'ancienneté ne peut constituer la justification d'une inégalité de rémunération lorsque l'ancienneté est déjà prise en compte par une prime d'ancienneté distincte du salaire de base ; qu'en décidant que l'ancienneté et l'expérience subséquente justifiaient des disparités dans la rémunération de base tout en relevant que l'accord d'établissement du 19 janvier 1996 prévoyait une prime d'ancienneté, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le principe "à travail égal, salaire égal", énoncé par les articles L. 133-5 4° et L. 136-2 8° du Code du travail ;

2°) un accord collectif de travail ne peut déroger aux dispositions légales d'ordre public ; qu'il ne peut faire échec au principe d'ordre public "à travail égal, salaire égal" ; qu'après avoir constaté que l'accord d'établissement du 19 janvier 1996 prévoyait une modulation de la rémunération de base et un complément de rémunération en fonction de l'ancienneté et de l'expérience, en plus de la prime d'ancienneté instituée par cet accord, ce dont il se déduisait qu'il faisait échec au principe "à travail égal, salaire égal", la cour d'appel, qui a appliqué cet accord pour justifier autrement les disparités de salaire, a violé, par refus d'application, ensemble l'article L. 132-4 du Code du travail et le principe "à travail égal, salaire égal" énoncé par les articles L. 133-5 4° et L. 136-2 8° du même Code ;

Mais attendu, qu'ayant retenu que la modulation de la rémunération de base instaurée par l'accord collectif du 19 janvier 1996 était fondée sur l'expérience acquise par les salariés au cours de leurs années de présence dans l'entreprise, la cour d'appel a pu décider que ledit accord n'était nullement contraire à la règle "à travail égal, salaire égal" énoncé aux articles L. 133-5 4° et L. 136-2 8° du Code du travail, que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen commun aux pourvois S 03-42.025 à W 03-42.029, et H 03-42.039 à K 03-42.042 des salariés

Attendu que les salariés font grief aux arrêts de les avoir déboutés de leur demande en paiement de rappel de salaire et congés payés afférents au titre de la mensualisation, alors, selon le moyen, que le juge doit donner ou restituer aux faits et actes litigieux leur exacte qualification sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'en se bornant à constater que les contrats de travail des salariés étaient à temps partiel et qu'ils avaient été rémunérés à temps partiel conformément à ce contrat, sans rechercher si le contrat de travail ne devait pas être requalifié à temps complet dès lors que, comme cela avait été soutenu dans les conclusions d'appel, ils avaient travaillé à temps complet pendant la période litigieuse de huit mois, soit 135 heures 20 par mois, avec le nettoyage de 16 chambres comme les salariés travaillant à temps complet, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du Code civil et 12 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel qui ne s'en est pas tenue aux temps des contrats de travail, a, appréciant les éléments de faits et de preuve qui lui étaient soumis, estimé que les salariés concernés avaient toujours travaillé à temps partiel ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen commun aux pourvois S 03-42.025, T 03-42.026, V 03-42.028 à F 03-42.038, G 03-42.040 et J 03-42.041 des salariés

Attendu que les salariés font grief aux arrêts de les avoir déboutés de leur demande en paiement de rappel de salaire au titre du 1er mai non chômé, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 222-7 du Code du travail, les salariés occupés le 1er mai ont droit, en plus du salaire correspondant au travail effectué, à une indemnité égale au montant de ce salaire ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitaient les exposantes dans leurs conclusions d'appel si la Société des Hôtels Concorde n'avait pas, de façon illicite, rémunéré les 1er mai travaillés sur la base de 1/30ème de mois au lieu de 7,80 heures de travail, ce qui correspondait au montant du salaire effectivement versé au titre du 1er mai, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 222-7 du Code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'à l'époque litigieuse, les salariés avaient été rémunérés selon un horaire de travail journalier de 7,50 heures, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la rémunération du 1er mai chômé devait intervenir sur la même base ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen commun aux pourvois D 03-42.220, E 03-42.221, J 03-42.225, K 03-42.226, N 03-42.228, P 03-42.229, R 03-42.231, U 03-42.234 à W 03-42.236, Y 03-42.238 à A 03-42.240, B 03-42.241 à D 03-42.243, G 03-42.247, N 03-42.251, Q 03-42.253 à U 03-42.257, Z 02-43.262, A 03-42.263 et C 03-42.265 de l'employeur

Attendu que l'employeur reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer aux salariés concernés un rappel de salaire, alors, selon le moyen, que ne méconnaît pas la règle "à travail égal, salaire égal", l'employeur qui à l'occasion de négociations salariales avec un syndicat prend en considération la préoccupation exprimée par le syndicat de voir certains salariés, en raison de leurs mérites professionnels, bénéficier d'un salaire de base plus élevé que d'autres salariés travaillant dans les mêmes conditions ; qu'ainsi en l'espèce, où pour satisfaire aux demandes du syndicat CGT, qui avait négocié l'accord d'établissement du 19 janvier 1996 et assisté les salariés lors de la signature des transactions, la Société des Hôtels Concorde avait accepté de verser une rémunération plus élevée à certaines femmes de chambre à raison de leur mérite particulier et leur valeur professionnelle, la cour d'appel, en considérant qu'il ne s'agissait pas d'un élément objectif justifiant une différence de traitement, a violé les articles L. 133-5-4° et L. 136-2-8° du Code du travail et la règle susvisée ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a estimé que l'employeur ne justifiait pas d'élément objectif autorisant une différence de traitement entre les salariés concernés ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen commun aux pourvois C 03-42.219 à X 03-42.237 et Z 03-42.239 à C 03-42.265 de l'employeur

Attendu que l'employeur reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer aux salariés concernés un rappel de salaire au titre de la bonification résultant de la loi du 19 janvier 2000, alors, selon le moyen, que les articles L. 212-2 et L. 212-4, alinéa 4 du Code du travail prévoient que dans certaines branches d'activités, il peut être dérogé à la durée légale du travail fixée à l'article L. 212-1 par décrets et accords collectifs et qu'une durée équivalente à celle-ci peut être fixée ; que de telles dérogations, ayant été admises dans le secteur de l'hôtellerie, la fixation d'un horaire de travail de 39 heures dans une entreprise ne peut, sauf stipulation expresse contraire, être regardée comme l'adoption de l'horaire légal alors en vigueur réductible de plein droit à 35 heures, en application de la loi du 29 janvier 2000 ; qu'ainsi en considérant que, dès lors qu'en vertu de l'accord d'établissement du 28 avril 1982 et du 19 janvier 1996, la durée hebdomadaire du travail était de 39 heures au sein des établissements de la Société des Hôtels Concorde, celle-ci devait appliquer aux heures supplémentaires effectuées par les salariés entre 35 et 39 heures, les majorations prévues à l'article L. 212-5 du Code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Mais attendu qu'ayant retenu que l'accord d'établissement du 19 janvier 1996 avait fixé la durée hebdomadaire du travail à 39 heures pour l'ensemble des salariés sous réserve des horaires d'équivalence des services de sécurité incendie, la cour d'appel en a déduit à bon droit que l'employeur avait exclu les salariés concernés de tout régime d'équivalence et qu'à la suite de la réduction légale de la durée du travail instituée par l'article 5 de la loi du 19 janvier 2000 dite "Aubry II", ceux-ci étaient fondés à voir appliquer aux heures accomplies de la 36ème à la 39ème heure, la majoration prévue par l'article L. 212-5 du Code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette toutes les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille quatre.