SOC.PRUD'HOMMESC.B.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 28 septembre 2004
Rejet
M. SARGOS, président
Arrêt n° 1701 F P+B Pourvois n° Z 03-41.825 à D 03-41.829 JONCTION
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur les pourvois n° Z 03-41.825, A 03-41.826, B 03-41.827, C 03-41.828 et D 03-41.829 formés par la société STAVS Transport de voyageurs, société anonyme dont le siège social est Cannes-La-Bocca, en cassation de cinq arrêts rendus le 19 novembre 2002 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (17e Chambre sociale), au profit
1°/ de M. André Y, demeurant Cannes-La-Bocca,
2°/ de M. Jacques X, demeurant Cannes,
3°/ de M. Christian W, demeurant Mandelieu-la-Napoule,
4°/ de M. Sylvain V, demeurant Cannes-La-Bocca,
5°/ de Mme Christine U, demeurant Pégomas, défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 22 juin 2004, où étaient présents M. Sargos, président, M. Funck-Brentano, conseiller référendaire rapporteur, MM. Boubli, Gillet, Mme Morin, conseillers, Mme Farthouat-Danon, conseiller référendaire, M. Collomp, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Funck-Brentano, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société STAVS Transport de voyageurs, les conclusions de M. Collomp, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n° Z 03-41.825 à D 03-41.829 ;
Sur le moyen unique
Attendu que Mme U, MM. Y, X, W, V, salariés de la société STAVS, soutenant que l'employeur avait manqué au principe "à travail égal, salaire égal", ont saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en paiement de salaires compensant la différence invoquée ;
Attendu que l'employeur fait grief aux arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 19 novembre 2002) d'avoir fait droit à la demande des salariés, alors, selon le moyen
1°/ que le risque de la preuve pèse sur l'employeur en matière de discrimination salariale notamment, lorsque le salarié invoque une discrimination à raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme, de son état de santé ou de son handicap ; qu'en revanche, aucune disposition particulière dérogatoire au droit commun de la preuve ne fait peser le risque de la preuve sur l'employeur lorsque, comme en l'espèce, le salarié se prétend victime d'une discrimination illicite mais sans invoquer aucune de ses causes de discrimination ; qu'en jugeant néanmoins l'employeur coupable de discrimination illicite pour n'avoir fourni aucun élément permettant d'apprécier les mérites respectifs des deux salariés, ce qui aurait été de nature à justifier la différence des salaires, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ;
2°/ que l'employeur n'est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés que pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique ; que la société STAVS rappelait dans ses conclusions d'appel que les salariés ne peuvent prétendre à l'égalité de traitement qu'autant qu'ils sont placés dans une situation identique et que chacun des salariés ne rapportait la preuve de l'identité de sa situation avec celle du salarié de référence alors que deux conducteurs peuvent avoir le même coefficient hiérarchique sans avoir des tâches identiques ; que, dès lors, en se bornant à affirmer, pour condamner la société STAVS à payer au salarié les sommes réclamées, qu'il résultait des bulletins de paie de deux salariés qu'il exerçaient le même travail, sans répondre aux conclusions précitées dont il résultait que les salariés en cause n'étaient pas dans une situation identique, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3°/ qu'en se bornant à énoncer qu'il résultait des bulletins de paie des salariés qu'ils effectuaient le même travail, sans pour autant constater qu'ils se trouvaient effectivement dans une situation identique, alors qu'à défaut d'une telle identité de situation, il y a seulement individualisation des rémunérations, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 133-5-4°, L. 136-2-8° et L. 140-2 du Code du travail ;
Mais attendu d'abord qu'en application de l'article 1315 du Code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence ;
Et attendu, ensuite, que les juges du fond, qui ont fait ressortir que les salariés rapportaient la preuve des éléments susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, mais que l'employeur n'établissait pas l'existence d'éléments objectifs justifiant la différence de rémunération ont légalement justifié leur décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société STAVS Transport de voyageurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société STAVS Transport de voyageurs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille quatre.