Cass. soc., 02-06-2004, n° 02-41.261, inédit, Cassation partielle



SOC.PRUD'HOMMESC.B.

COUR DE CASSATION

Audience publique du 2 juin 2004

Cassation partielle

M. SARGOS, président

Arrêt n° 1107 FS D

Pourvoi n° R 02-41.261

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par M. Christian Z, demeurant Arras,

en cassation d'un jugement rendu le 3 mai 2000 par le conseil de prud'hommes d'Arras (Section industrie), au profit de la société Fraisnor, société anonyme dont le siège est Feuchy, défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 avril 2004, où étaient présents M. Sargos, président, Mme Quenson, conseiller rapporteur, M. Boubli, conseiller doyen, MM. Le Roux-Cocheril, Finance, Texier, Mme Mazars, MM. Trédez, Blatman, Barthélemy, conseillers, Mme Bourgeot, M. Liffran, Mmes Nicolétis, Auroy, Grivel, Leprieur, Martinel, Bouvier, M. Rovinski, conseillers référendaires, M. Legoux, avocat général, Mlle Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Quenson, conseiller, les observations de la SCP Tiffreau, avocat de la société Fraisnor, les conclusions de M. Legoux, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que M. Z, salarié de la société Fraisnor depuis le 24 juillet 1994, délégué syndical, a saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes au titre de salaires, prime annuelle, congés payés, dommages-intérêts ;

Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième et dixième moyens

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le huitième moyen

Vu l'article 54 de la convention collective des industries de la conserve ;

Attendu qu'aux termes de cet article, il est institué dans chaque établissement, pour les salariés comptant au moins un an d'ancienneté, une prime annuelle qui se substitue à la prime de vacances et de fin d'année et qui est calculée au prorata du temps de travail effectif de l'intéressé au cours de la période de référence déterminée pour l'établissement ; que le temps de travail pris en considération comprend les périodes qui lui sont assimilées pour le calcul de la durée du congé payé ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en rappel de prime de fin d'année 1995, la cour d'appel a énoncé que dès lors que le préalable est constitué par une ancienneté d'un an, les droits de M. Z ne lui sont ouverts qu'à compter du 25 juillet 1995 ; que, sauf à démontrer un autre mode de calcul, la prime annuelle, au titre de l'année 1995, ne peut être versée qu'au prorata temporis comme le fait l'employeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié, qui avait été embauché le 24 juillet 1994, comptait au moins un an d'ancienneté au 31 décembre 1995, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;

Et sur le neuvième moyen

Vu l'article L. 412-2 du Code du travail ;

Attendu qu'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire en raison de son appartenance syndicale ou de l'exercice d'une activité syndicale de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et qu'il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au syndicaliste, d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance à un syndicat ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts fondée sur la discrimination syndicale dont il soutenait avoir fait l'objet, le conseil de prud'hommes a énoncé qu'est invoquée la différence de salaires entre M. Z et deux autres salariés du même atelier dont M. Pascal ... qui est lui aussi agent de nettoyage ; que la différence de traitement provient d'une revalorisation salariale de janvier 1999 qui n'a pas été appliquée à M. Z ; qu'il est jugé qu'à "travail égal, salaire égal", notamment en matière d'égalité hommes-femmes, cependant, en l'espèce, l'employeur invoque une différence de qualité de travail ; que la faible ancienneté de la revalorisation (janvier 1999) ne permet pas, à elle seule, de démontrer la réalité d'une discrimination fondée sur l'appartenance syndicale ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de vérifier si la disparité reconnue était justifiée par la différence de qualité de travail invoquée, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à la prime d'ancienneté et à la discrimination syndicale, le jugement rendu le 3 mai 2000, entre les parties, par le conseil de prud'hommes d'Arras ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Lille ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille quatre.