CA Versailles, 3e, 23-06-2000, n° 97/04862



1 POURVOI

Extrait des minutes de Greffe de la Cour d'Appel de Versailles

COUR D'APPEL RÉPUBLIQUE FRANÇAIS} DE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

VERSAILLES

LE VINGT TROIS JUIN DEUX MILLE

3ème chambre

La cour d'appel de VERSAILLES, 3ème chambre

RRET N°bG

a rendu l'arrêt REPUTE CONTRADICTOIRE suivant,

t,

prononcé en audience publique U 23 JUIN 2000

La cause ayant été débattue à l'audience publique du 20 Avril 2000,

..G. N° 97/04862 DEVANT Madame F. ..., conseiller chargé du rapport, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, en application de

,FFAIRE

l'article 786 du nouveau code de procédure civile,

assisté de Madame M. ..., greffier,

.A. PASTEUR VACCINS

Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la cour, dans son délibéré, celle- ci étant composée de

Madame F. ..., conseiller faisant fonction de président,

Paule COLONA CESARI Madame F. ..., conseiller,

pouce LAIGNIER

Monsieur D. ..., conseiller,

R.A.M. DE CORSE et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi,

C.M.R.

DANS L'AFFAIRE ENTRE

S.A. PASTEUR VACCINS

.ppel d'un jugement rendu le 04 ci-devant vril 1997 par le T.G.I. de ANTERRE (1 ère chambre B) 3 avenue Pasteur
MARNE LA COQUETTE actuellement Kpédition exécutoire

)(pédition LYON Givrées le

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en 1,11) LAMBERT/DEBRAY/ cette qualité audit siège

EIEMIN

DELCAIRE/BOITEAU

13 MERLE/CARENA/DORON

ropie Frrte P 45102./2001. 'et. rit ÇA 14A1.PtimameitÀ%e

CONCLUANT par la SCP LAMBERT/DEBRAY/CHEMIN, avoués près la cour d'appel de VERSAILLES

- PLAIDANT par maître ... du cabinet ELKAIM, avocat au barreau de PARIS

PLAIDANT par maître ... du cabinet RAMBAUD-MAREL, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

ET

1/ Madame P. ... ... épouse ...

296 Marina
PORTO VECCHIO

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 8271/97 du 29 AVRIL 1998 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

CONCLUANT par la SCP DELCAIRE/BOITEAU, avoués près la cour d'appel de VERSAILLES

PLAIDANT par maître ..., avocat au barreau de PONTOISE

INTIMÉE - APPEL INCIDENT

2/ R.A.M. de CORSE

Avenue de la Grande Armée -

Résidence "Laetitia Bonaparte"

. AJACCIO

_ .

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

INTIMÉE DEFAILLANTE

3/ C.M.R. (CAISSE RÉGIONALE DES ARTISANS ET COMMERCANTS DE CORSE)


AJACCIO

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

CONCLUANT par la SCP MERLE/CARENA/DORON, avoués près la cour d'appel de VERSAILLES

AYANT pour avocat maître ... au barreau de PARIS

INTIMÉE

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Madame ... a fait l'objet le 30 septembre 1995 d'une vaccination anti-hépatite B, pratiquée par son médecin traitant au moyen du vaccin GENHEVAC B, fabriqué par la société PASTEUR VACCINS.

Elle a présenté quelques jours plus tard un syndrome pseudo-grippal, puis une tétraplégie qui a été identifiée comme maladie de GUILLAIN-BARRE, dont elle attribue la survenance à la vaccination dont elle avait fait l'objet.

Madame ... a saisi le tribunal de grande instance de NANTERRE aux fins de voir déclarer la société PASTEUR VACCINS responsable sur le fondement de la responsabilité contractuelle, telle qu'elle est définie par les articles 1147 et suivants du code civil, et subsidiairement, de la responsabilité quasi-délictuelle.

Par jugement du 4 avril 1997, le tribunal a retenu l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination et la maladie de madame ... et l'entière responsabilité de la S.A. PASTEUR VACCINS, en sa qualité de gardien du vaccin.

Avant dire droit sur l'évaluation du préjudice de madame ..., il a ordonné une expertise médicale et alloué une indemnité provisionnelle de 50.000 francs.

La société PASTEUR VACCINS a interjeté appel de cette décision.


rV

Elle soulève en premier lieu la nullité du jugement entrepris pour violation du principe du contradictoire, pour s'être fondé sur un moyen soulevé d'office, à savoir le postulat, jamais débattu contradictoirement, du caractère - dangereux du vaccin.

Elle conteste, pour conclure subsidiairement à l'infirmation du jugement entrepris, que soit rapportée la preuve d'un lien de causalité entre le préjudice subi par madame ... et le fait générateur, soutenant que le tribunal s'est fondé sur une simple présomption tirée de la chronologie, sans que celle-ci soit confirmée par les enquêtes épidémiologiques, et sur un article de presse démenti par les données scientifiques.

A titre infiniment subsidiaire

- elle rappelle qu'aucune relation contractuelle ne la liait à madame ...,

- elle conteste avoir contrevenu aux dispositions des articles L 222-1 et R 5143 du code de la santé publique, relatives à l'obligation d'information,

- elle soutient avoir satisfait aux obligations de sécurité imposées à tout fabricant par le code de la consommation et les directives européennes.

Elle demande très subsidiairement la modification de la mission d'expertise, par la désignation d'un collège d'experts comprenant un neurologue, un immunologiste et un spécialiste en médecine légale, afin d'apprécier l'incidence de la vaccination sur la pathologie développée par madame ....

Elle conclut en tout état de cause au débouté de la CMR de ses demandes tardives et à la condamnation de madame ... à lui verser une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure . civile.

Madame ... soutient que le tribunal, en se fondant, sans y faire explicitement référence, sur les dispositions de l'article 1384 du code civil, n'a fait que reprendre certains arguments qu'elle avait développés dans ses conclusions du 17 février 1997, en réponse aux moyens de la société PASTEUR VACCINS.

Elle conteste ainsi la nullité du jugement et sollicite subsidiairement l'évocation par la cour.

Elle soutient que le lien de causalité entre la vaccination et la pathologie qu'elle a développée est établi par les comptes rendus des hospitalisations dont elle a fait l'objet et par une importante littérature médicale(article du Dictionnaire VIDAL relatif à un vaccin concurrent, thèse du Docteur ..., travaux de l'association REVAHB, nombreuses publications médicales et articles de presse, analyse de la pharmacovigilance.

Elle indique fonder son action, à titre principal, sur l'obligation de sécurité posée par l'article 1147 du code civil et par l'article L 221-1 du code de la consommation, rappelant que la Directive européenne invoquée par PASTEUR VACCINS n'est pas applicable au produit considéré, mis en circulation avant son entrée en vigueur.

Elle invoque à titre subsidiaire la faute de PASTEUR VACCINS pour avoir mis le produit en circulation et entrepris une campagne de commercialisation, sans mise en garde contre les risques au regard des maladies auto-immunes, et en méconnaissant les dispositions de l'article 1143 du code de la santé publique.

Elle conclut en conséquence à la confirmation du jugement entrepris et sollicite en outre une augmentation de-la provision et une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle s'oppose à la demande d'expertise, telle que formée par l'appelante et sollicite subsidiairement, au cas où elle serait ordonnée, l'adjonction d'un expert en pharmacologie spécialisé en recherche biomédicale.

La CMR a conclu au remboursement de ses débours, provisoirement arrêtés à la somme de 503.075,83 francs.

La RAM de CORSE, assignée à une personne habilitée à recevoir l'acte n'a pas constitué avoué.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 avril 2000, avant l'ouverture des débats.

MOTIFS

- SUR LA NULLITÉ DU JUGEMENT ENTREPRIS

Attendu que madame ... avait fondé sa demande au cours de la procédure de première instance sur les dispositions de l'article 1147 du code civil, puis subsidiairement sur celles des articles 1382 et 1383 du même code, et généralement sur la faute (conclusions signifiées le 17 février 1997, page 4, alinéa 4 ;

Attendu que les premiers juges, en fondant leur décision sur la faute commise par PASTEUR VACCINS, pour avoir mis en circulation un produit potentiellement dangereux, ont implicitement fait application des

- dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil, la référence faite à la qualité de gardien du vaccin constituant tout au plus une erreur de droit ;

Attendu que la faute susceptible de résulter de la commercialisation d'un tel produit a été clairement invoquée dans les conclusions mentionnées ci-dessus ;

Qu'il a ainsi pu en être débattu contradictoirement ;

Attendu que l'erreur de droit, quand bien même elle serait avérée, n'a donc pu entraîner de violation du principe du contradictoire ;

Attendu que la demande d'annulation du jugement entrepris sera en conséquence rejetée ;

- SUR LE LIEN DE CAUSALITE ENTRE LA VACCINATION ET LA PATHOLOGIE DEVELOPPEE PAR madame ...

Attendu que les comptes rendus d'hospitalisation dont a fait l'objet madame ..., dans le service de neurologie de l'hôpital SAINTE MARGUERITE à MARSEILLE, puis à la clinique de rééducation SAINT MARTIN, font état de l'apparition d'un syndrome de GUILLAIN-BARRE post-vaccinal ;

Mais attendu que seule la coïncidence de la vaccination avec l'apparition des troubles apparaît avoir conduit les médecins à poser ce diagnostic ;

Attendu que les avis publiés par la Commission Nationale de Pharmacovigilance, l'Organisation Mondiale de-la-Santé, le Comité technique des vaccinations rattaché à la Direction d'Etat de la Santé, l'Agence du Médicament, n'ont permis de relever que de rares cas d'apparitions de neuropathies ou démyénilisations contemporaines des suites immédiates de la vaccination par GENHEVAC B ;

Que les dernières conclusions de l'Agence du Médicament se bornent à signaler un risque faible d'atteintes démyenilisantes ou d'affections auto-immunes associées au vaccin contre l'hépatite B ;

Attendu que la littérature médicale communiquée par les parties ne permet pas non plus de déterminer avec certitude le lien entre la vaccination et l'apparition de ces affections, une thèse soutenue en 1996 par le Docteur ... et divers articles tirés de revues de vulgarisation médicale étant formellement contredits par deux articles du Docteur ..., immunologue et chercheur en vaccinologie ;

Attendu qu'en l'état actuel des éléments communiqués par les parties, la cour n'est pas en mesure de se prononcer sur l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination subie par madame ... et la pathologie dont elle est atteinte ;

Qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et d'ordonner l'expertise sollicitée à titre subsidiaire par la société PASTEUR VACCINS ;

Attendu qu'il apparaît prématuré d'allouer à madame ... la provision sollicitée ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris, Avant dire droit sur la responsabilité,

Désigne

- Monsieur le docteur ... - ... R. GARCHES,

- Monsieur le docteur P. ... de ... - ... R. GARCHES,

- Monsieur le docteur B. ... - ... R. GARCHES,

- Monsieur le docteur M. ..., VERSAILLES,

avec mission de

- prendre connaissance de tous les éléments relatifs à la maladie dont est atteinte madame ...,

- se faire communiquer toutes pièces utiles relatives au processus de déclenchement de la maladie dont est atteinte Madame ...,

- procéder à l'examen de celle-ci,

- déterminer, si faire se peut, le lien de causalité existant entre la vaccination par GENHEVAC B dont elle a fait l'objet le 30 septembre 1995 et la maladie dont elle reste atteinte,

- dans le cas où l'existence de ce lien serait retenue, apporter tous éléments permettant de déterminer si, à l'époque de la vaccination, la société PASTEUR VACCINS pouvait en avoir connaissance,

- se prononcer alors sur la durée de l'incapacité totale subie par madame ..., le taux d'IPP dont elle est atteinte, la nécessité de recours à une tierce personne, fournir tous éléments permettant de quantifier le quantum doloris, le préjudice esthétique et le préjudice d'agrément,

- se prononcer sur la probabilité d'une amélioration ou d'une aggravation de son état.

Dit que la société PASTEUR VACCINS versera au greffe de la cour, dans les deux mois du présent arrêt, la somme de 10.000 francs à titre de provision pour expertise, à peine de caducité de la désignation,

Dit que les experts commis, saisis par le greffe après réception de l'avis de consignation, déposeront leur rapport dans le délai de six mois, sauf prorogation accordée, sur demande motivée, par le conseiller chargé du contrôle des expertises, ii

in/

Dit n'y avoir lieu d'allouer une provision à madame ..., Sursoit à statuer sur le surplus des demandes, Réserve les dépens.

Arrêt prononcé par madame ..., conseiller, Assisté de madame ..., greffier,

Et ont signé le présent arrêt,

Madame ..., conseiller faisant fonction de président,

Madame ..., greffier.