CIV. 1 FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 23 septembre 2003
Cassation
M. LEMONTEY, président
Pourvoi n° V 01-13.063
Arrêt n° 1191 FS P+B+R+I RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société Laboratoire Glaxo-Smithkline, société par actions simplifiée, anciennement dénommée Smithkline Beecham, dont le siège est Marly-le-Roi, en cassation d'un arrêt n° 284 rendu le 2 mai 2001 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), au profit
1°/ de Mme Armelle Y, épouse Y, demeurant Sarralbe,
2°/ de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Sarreguemines, dont le siège est Sarreguemines,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 juillet 2003, où étaient présents M. Lemontey, président, Mme Duval-Arnould, conseiller référendaire rapporteur, MM. Bouscharain, Bargue, Croze, Mme Crédeville, M. Gallet, conseillers, Mme Cassuto-Teytaud, M. Besson, Mme Gelbard le Dauphin, M. Creton, Mme Richard, M. Lafargue, conseillers référendaires, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin et Benabent, avocat de la société Laboratoire Glaxo-Smithkline, de la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat de la CPAM de Sarreguemines, de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de Mme ..., les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa première branche
Vu les articles 1147 et 1382 du Code civil interprétés à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985 ;
Attendu que la responsabilité du producteur est soumise à la condition que le demandeur prouve, outre le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ;
Attendu que Mme ..., soumise en raison de sa profession à une obligation de vaccination contre l'hépatite B, a reçu, les 22 juillet, 3 septembre et 7 octobre 1994, trois injections du vaccin anti-hépatite B Engerix B fabriqué par le laboratoire pharmaceutique Smithkline Beecham et a appris, en novembre 1994, qu'elle était atteinte de sclérose en plaques ; qu' elle a assigné la société Smithkline Beecham, devenue la société Glaxo-Smithkline, en réparation de son préjudice en faisant valoir que l'apparition de cette maladie était due à la vaccination ; qu'elle a néanmoins accepté l'indemnisation proposée par la Direction générale de la santé en application de l'article L. 3111-9 du Code de la santé publique ;
Attendu que pour retenir la responsabilité du laboratoire, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que l'étiologie de la sclérose en plaques était inconnue et que ni les expertises ni les études scientifiques ne concluaient à l'existence d'une association entre la vaccination et cette maladie, relève que la possibilité d'une telle association ne peut être exclue de façon certaine, que Mme ... était en parfaite santé jusqu'à la première injection du vaccin, qu'il existe une concordance entre la vaccination et l'apparition de la maladie également constatée chez d'autres malades et qu'il n'y a, dans le cas de Mme ..., aucune autre cause de déclenchement de la maladie ; qu'il en déduit que le vaccin a été le facteur déclenchant de la maladie développée par Mme ... et que le dommage causé à celle-ci établit une absence de la sécurité à laquelle son utilisateur pouvait légitimement s'attendre et démontre la défectuosité du produit ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que le défaut du vaccin comme le lien de causalité entre la vaccination et la maladie ne pouvaient être établis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du second moyen
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt n° 284 rendu le 2 mai 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne Mme ... et la CPAM de Sarreguemines aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de Mme ... et de la CPAM de Sarreguemines ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille trois.