Cass. crim., 05-11-1979, n° 79-90666, publié au bulletin, Cassation partielle Cassation Cassation

La présente décision est rédigée dans sa version originale en lettres majuscule. Pour faciliter votre lecture, nous avons tout rédigé en minuscule sauf les premiers lettres de phrase. Il se peut que certains caractères spéciaux ou accents n’aient pas pu être retranscrits.
La cour, vu le memoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 336-2, 399, 406, 407, 417, paragraphe 2, du code des douanes, 593 du code de procedure penale, defaut de reponse aux conclusions d'appel visees par le president, defaut et contradiction de motifs, manque de base legale,

" en ce que l'arret attaque a relaxe X... des fins de la poursuite, aux motifs que celui-ci a reconnu qu'il connaissait Y... et que ce dernier lui avait demande de proceder aux formalites douanieres a l'arrivee d'un camion de beurre a marseille, que cependant la societe tramar, ou travaillait X..., ne pouvant les effectuer, celui-ci adressa Y... a la societe tailleur, qui ne le put davantage et transmit l'affaire a la maison aillaud qui realisa l'operation, que l'indication donnee par X... lui-meme qu'il n'a pas avise son employeur de l'envoi de cette marchandise est insuffisante pour valoir preuve d'une culpabilite de contrebande ou meme d'interessement au sens de l'article 399 du code des douanes ;

" alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 399- 2b dudit code est repute interesse quiconque a coopere, d'une maniere quelconque, a un ensemble d'actes accomplis par un certain nombre d'individus agissant de concert, d'apres un plan de fraude arrete pour assurer le resultat poursuivi en commun, que ce cas d'interessement n'exige pas l'intention coupable du prevenu ;

" alors que, des lors que la cour a constate que X... a, a la demande de Y..., adresse ce dernier a un transitaire charge d'accomplir des formalites douanieres frauduleuses, il a necessairement coopere au plan de fraude, meme si ce transitaire n'a pas lui-meme procede aux operations de dedouanement et s'est adresse a un tiers, qu'il n'importe pas davantage que X... n'ait pas agi en connaissance de cause ;

" alors au surplus, sur ce dernier point, que X... a declare aux douaniers, suivant proces-verbal de constat du 13 decembre 1975 (p v n° 9 fo3), n'ayant pas fait l'objet d'une preuve contraire, que s'il n'avait pas tenu son employeur au courant, c'est parce qu'il s'etait " rendu compte " que " les transports de beurre pouvaient etre irreguliers et que les t1 seraient decharges irregulierement en italie " ;

" alors, d'autre part, que la cour n'a pas repondu aux motifs du jugement, que la demanderesse s'est appropriee dans ses conclusions d'appel et d'apres lesquels X... avait cree avec Z... une societe d'export-import servant de facade pour la reception et le transit des marchandises de fraude et etablissant divers documents necessaires a la reexpedition desdites marchandises " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article 336-2 du code des douanes, les juges ne peuvent ecarter les aveux et declarations d'un prevenu consignes dans un proces-verbal des douanes contre lesquels la preuve contraire n'a pas ete rapportee ;

Attendu, d'autre part, qu'aux termes de l'article 399-2b du code des douanes, sont reputes interesses a la fraude ceux qui ont coopere d'une maniere quelconque a un ensemble d'actes accomplis par un certain nombre d'individus agissant de concert, d'apres un plan de fraude arrete pour assurer le resultat poursuivi en commun ;

Qu'il resulte du paragraphe 3 du meme article que seuls l'etat de necessite ou une erreur invincible peuvent constituer en la matiere des causes d'exoneration de responsabilite ;

Attendu qu'il resulte des enonciations de l'arret attaque et de celles du jugement auxquelles la cour d'appel a declare se referer expressement quant a l'expose et a l'analyse des faits de la cause, que X... a ete poursuivi devant la juridiction correctionnelle, en meme temps qu'un certain nombre d'autres prevenus, pour avoir participe a des fraudes douanieres reputees importations ou exportations en contrebande par l'article 417-2c du code des douanes qui ont ete commises lors du transport de marchandises expediees sous un regime suspensif ;

Que ces fraudes ont porte sur de tres importantes quantites de beurre d'origine extra-communautaire expediees d'anvers a destination de l'italie, via marseille, sous couvert de titres de transit international etablis a anvers ;

Que des enquetes ont revele qu'a marseille, il avait ete substitue a ces titres de transit d'autres documents douaniers s'appliquant faussement a d'autres marchandises, ce qui a permis d'introduire en italie du beurre en provenance de pays tiers sans lui faire supporter les prelevements prevus par la reglementation communautaire ;

Attendu que pour relaxer X... des fins de la poursuite, l'arret attaque, infirmant a son egard la decision des premiers juges, se borne a enoncer qu'a l'audience du tribunal, ce prevenu a reconnu qu'il connaissait Y..., principal organisateur de la fraude, et que ce dernier lui avait demande de proceder aux formalites douanieres a l'arrivee d'un camion de beurre a marseille ;

Que, cependant, la societe de transit tramar ou travaillait X... ne pouvant les effectuer, celui-ci avait adresse Y... a une societe tailleur qui n'avait pu davantage y proceder et qui avait transmis l'affaire a une troisieme entreprise laquelle avait, enfin, realise l'operation ;

Que contrairement a l'appreciation des premiers juges, X... n'avait pas joue, en se comportant ainsi, le role de " personne interessee " ;

Qu'il s'est borne a decliner sa collaboration pour le dedouanement du camion et a conseiller a Y... un autre transitaire, conseil, d'ailleurs, sans valeur ;

Qu'enfin l'indication donnee par X... lui-meme, selon laquelle il n'avait pas avise son employeur de l'envoi de cette marchandise est insuffisante pour valoir preuve d'une culpabilite du chef de contrebande ou meme d'interessement au sens de l'article 399 du code des douanes ;

Mais attendu que par ces seules enonciations qui ne font etat d'aucun element de nature a faire echec a la force probante du proces-verbal des douanes en date du 13 decembre 1975, base de la poursuite, dans lequel X... reconnaissait, d'une part, les relations etroites l'unissant a Y..., lequel avait avance les fonds necessaires a la constitution d'une association de fait creee entre X... et un nomme Z... et sous le couvert de laquelle Y... traitait et realisait des operations de transit et, d'autre part, qu'il avait accepte de s'occuper de l'affaire portant sur le dedouanement du chargement de beurre ci-dessus evoque afin qu'il soit substitue au titre de transport cree en belgique un nouveau document permettant son introduction en italie, alors que de telles declarations etaient de nature a etablir que le prevenu avait coopere au plan de fraude et qu'il ne se prevalait ni d'un etat de necessite ni d'une erreur invincible, la cour d'appel a viole les textes du code des douanes rappeles ci-dessus ;

Que l'arret encourt la cassation de ce chef ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 1384 du code civil, 593 du code de procedure penale, defaut de reponse aux conclusions d'appel visees par le president, defaut de motifs et manque de base legale, " en ce que l'arret attaque a mis hors de cause la societe sotrin condamnee par le tribunal en qualite d'employeur civilement responsable de Y..., au motif que les agissements de ce dernier sont restes etrangers a son activite professionnelle (assemblee pleniere, cour de cassation, 10 juin 1977) ;

" alors, d'une part, que le commettant est responsable des actes de son prepose, meme abusant de ses fonctions et des facilites que celles-ci lui procuraient ;

" alors, d'autre part, que le jugement dont la confirmation etait sollicitee par les conclusions d'appel a declare que Y... avait agi pour le compte de son employeur, alors que la cour d'appel, faute de preciser les circonstances de la cause, ne permet pas a la cour de cassation d'exercer son controle et ne repond pas aux conclusions d'appel " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que tout jugement ou arret doit contenir les motifs propres a justifier sa decision ;

Que l'insuffisance des motifs equivaut a leur absence ;

Attendu que pour mettre hors de cause la societe des transports sotrin citee en qualite de civilement responsable des infractions commises par son prepose Y..., l'arret attaque se borne a enoncer que les agissements de ce dernier sont restes etrangers a son activite professionnelle ;

Mais attendu que par ce seul motif qui ne precise pas quelles etaient les fonctions qu'assumait Y... au sein de la societe sotrin et en quoi consistait son activite professionnelle ni aucune des circonstances desquelles il resulterait que les agissements du susnomme auraient ete etrangers a l'exercice de ces fonctions, la cour d'appel n'a pas mis la cour de cassation en mesure d'exercer son controle sur le point de savoir si les fautes commises par Y... etaient ou non independantes du lien de preposition l'unissant a son employeur ;

Que la cassation est egalement encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

Casse et annule l'arret precite de la cour d'appel d'aix-en-provence du 15 novembre 1978 mais seulement, en l'absence de pourvoi du ministere public, en ses seules dispositions qui, statuant sur l'action fiscale, ont deboute l'administration des douanes de ses demandes dirigees contre X... et en celles de ses dispositions prononcant la mise hors de cause de la societe de transports sotrin, toutes autres dispositions dudit arret etant expressement maintenues et, pour etre statue a nouveau, conformement a la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcee :

Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de nimes.