1 - Date de signature de la transaction
On sait que, depuis 1996, la date de conclusion de la transaction joue un rôle essentiel parmi les conditions de validité de cet acte juridique. En effet, depuis cette date, la transaction ayant pour objet de mettre fin au litige résultant d'un licenciement ne peut être valablement conclue qu'une fois la rupture intervenue et définitive (Cass. soc., 29 mai 1996, n° 92-45.115, M Purier c/ Société Seduca et autre, publié RJS 7/96, n° 789 [LXB=A3966AA7]). Il s'agit par là de s'assurer que le salarié sera en mesure de manifester un consentement entièrement libre, en n'étant plus dans un quelconque lien de dépendance à l'égard de son employeur.
Cette règle a, par la suite, était affinée par la Cour de cassation, celle-ci indiquant que la rupture devient définitive "par la réception, par le salarié, de la lettre de licenciement dans les conditions requises par l'article L. 122-14-1 du Code du travail" (Cass. soc., 21 mars 2000, n° 97-45.550, Société Buscoz et compagnie , société anonyme c/ M. Franck Mellier et autres, inédit : RJS 5/00, n° 528, 2ème espèce [LXB=A8987AGX]). Or, aux termes de cette dernière disposition, "l'employeur qui décide de licencier un salarié doit notifier le licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...)". La Cour de cassation a par suite tiré toutes les conséquences de cette prescription légale, en affirmant que la transaction ne peut être valablement conclue qu'après réception par le salarié de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant le licenciement (Cass. soc., 25 avril 2001, n° 99-41.499, Société Neopost France, venant aux droits de la société SMH Neopost, c/ Mme Monique David, inédit, RJS 7/01, n° 859 [LXB=A5021AG3]).
Quatre arrêts rendus le 18 février 2003 viennent confirmer toute la rigueur de cette solution. L'une de ces décisions mérite d'être plus particulièrement mise en exergue, en raison de son caractère exemplaire (Cass. soc., 18 février 2003, n° 00-42.948, Mme Agnès Sarkissian c/ Société Vacances Héliades, publié [LXB=A1795A7M] ). En l'espèce, une salariée avait été licenciée pour motif économique, par lettre simple, le 18 septembre 1996 et une transaction avait été conclue entre les parties le 23 septembre suivant. La cour d'appel, saisie du litige, avait refusé d'annuler cette transaction. Selon les juges d'appel, en effet, l'exigence jurisprudentielle précédemment évoquée a pour but de s'assurer que la transaction est intervenue en dehors de toute pression de la part de l'employeur. Or, en l'espèce, il n'était pas nécessaire d'exiger que la lettre de licenciement ait été adressée en recommandé à la salariée pour rapporter la preuve que celle-ci n'était plus sous la subordination de l'employeur. Ainsi que le relèvent les juges du fond, la salariée avait été assistée pendant toutes les négociations par son avocat, qui avait discuté les termes de la transaction dans l'intérêt de son client. La cour d'appel en déduit par suite que la transaction était valable, la salariée ayant bénéficié des conseils éclairés et de l'assistance active de son conseil, et n'ayant pas été sous l'emprise de son employeur lors de la négociation et de la conclusion du protocole d'accord qu'elle a librement approuvé.
Ces arguments de bon sens n'ont trouvé aucune grâce auprès de la Cour de cassation, celle-ci privilégiant le formalisme de l'article L. 122-14-1 du Code du travail ([LXB=L0042HDW]) sur toute autre considération tendant à démontrer que le salarié avait en définitive donné un consentement entièrement libre à la transaction. Selon la Chambre sociale en effet, "en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ces constations que la transaction a été conclue en l'absence de notification préalable du licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ce dont il résultait qu 'elle était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés".
La cause est donc désormais entendue et il semble que nulle résistance des juges du fond ne fera reculer la Cour de cassation : pour être valable, une transaction doit non seulement être conclue postérieurement à la date de notification du licenciement mais, en outre, le licenciement doit avoir été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception, seul moyen d'établir avec certitude l'antériorité de la rupture par rapport à la transaction. De simple règle probatoire (prouver la date de rupture du contrat), la formalité prévue par l'article L. 122-14-1 se voit ainsi conférer valeur de règle impérative et se mue en condition de validité de la transaction.
Cette solution a été confirmée, en des termes similaires, par trois autres arrêts rendus le 18 février 2003, la transaction étant à chaque fois déclarée nulle, en l'absence de notification du licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Ont ainsi été jugés en contradiction avec cette règle les licenciements notifiés par lettre remise en mains propres contre décharge (Cass. soc. 18 février 2003, n° 00-44.847, Société Gestad intermarché c/ Mme Fernandes Alves, inédit [LXB=A1842A7D] ; Cass. soc., 18 février 2003, n° 00-42.147, M. Jacques Savant-Ros c/ Société Sanofi Winthrop Océan Indien, inédit [LXB=A1838A79] ; Cass. soc., 18 février 2003, n° 00-42.993, M. Jean-Noël Allancon c/ Association Montpellier Handball, inédit [LXB=A1839A7A]) .
On pourra certes toujours critiquer l'excessive rigidité de cette jurisprudence qui, nous l'avons déjà souligné, ne tient en définitive aucun compte du fait de savoir si, concrètement, le salarié n'a pas manifesté un consentement libre. On admettra toutefois qu'elle a le mérite de la simplicité et est de nature à tarir un certain contentieux.
On soulignera, pour finir sur cette question, que le non-respect de la règle énoncée par la Cour de cassation entraînera la nullité de la transaction. Il nous semble toutefois que, dans le prolongement de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 28 mai 2002 relativement aux transactions conclues avant le licenciement (Cass. soc ., 28 mai 2002, n° 99-43.852, Mme Annie Coquel c/ Institut technique de prévoyance sociale interentreprises, publié : RJS 8-9/02, n° 970 [LXB=A7919AYX]), cette nullité doit être conçue comme une nullité relative, seul le salarié pouvant s'en prévaloir, à l'exclusion de son employeur.
2 - Les effets de la transaction
Aux termes de l'article 2052 du Code civil ([LXB=L2430LBM]), la transaction a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. En d'autres termes, la transaction rend irrecevable les demandes en justice, dès lors que celles-ci portent sur l'objet de la transaction. L'Assemblée plénière de la Cour de cassation a cependant considéré que lorsque le salarié renonce dans la transaction à toutes réclamations de quelque nature, qu'elles soient relatives à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail, toute demande en justice concernant l'exécution ou la rupture du contrat est irrecevable alors même que la transaction avait été conclue pour régler un litige particulier concernant le paiement d'une indemnité compensatrice d'une obligation de non-concurrence (Ass. plén., 4 juillet 1997 : Dr. soc. 1997, p. 978 ; RJS 10/97, n° 1090, Dr. soc. 1997, p. 978, obs. critiques G. Couturier).
La solution énoncée dans cet important arrêt aurait pu être appliquée dans une affaire ayant donné lieu à une autre décision du 18 février 2003 (Cass. soc., 18 février 2003, n° 01-40.682, Mme Christiane Fontanilles, épouse Amico c/ Mme Dany Hartmann, inédit [LXB=A1970A74]). La Cour de cassation a toutefois choisi d'emprunter une autre voie, qui s'offrait à elle dans la mesure où la transaction avait été constatée par un procès-verbal de conciliation. En l'espèce, une salariée licenciée pour motif économique avait saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes. Lors du préliminaire obligatoire de conciliation, avait été établi un procès-verbal de conciliation totale constatant que la salariée acceptait le règlement de la somme de 15 000 francs "à titre transactionnel" et que les parties se désistaient de "toutes instances et actions réciproques". Ultérieurement, la salariée avait cependant saisi le conseil de prud'hommes d'une nouvelle instance pour faire juger que la transaction constatée par le procès-verbal de conciliation était nulle et pour obtenir le paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Déboutée en appel, la salariée avait alors formé un pourvoi en cassation, rejeté par la Chambre sociale au motif "que la cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait obtenu, lors de la conciliation intervenue devant le conseil de prud'hommes après son licenciement, le montant des sommes qu'elle avait demandées, a décidé, à bon droit, que cette conciliation avait mis fin à l'instance et que la règle de l 'unicité de l'instance s'opposait à la nouvelle demande qu'elle avait formée pour obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse".
La Cour de cassation choisit donc de laisser de côté la transaction proprement dite pour se concentrer sur le procès-verbal de conciliation qui avait constaté celle -ci. Il semblerait par suite que le régime juridique de la conciliation vienne absorber celui de la transaction. Cela étant, cette solution ne surprendra guère dans la mesure où elle est en tous points conforme à la règle de l'unicité de l'instance posée par l'article R. 516-1 du Code du travail ([LXB=L0611ADY]). La phase obligatoire de conciliation étant intégrée à l'instance, la conciliation met fin à celle-ci, qui ne peut donc être reprise, sauf à démonter que des prétentions sont nées ou se sont révélées postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.
Il convient cependant de souligner que, contrairement à ce qui était classiquement enseigné, la Cour de cassation paraît désormais admettre que la validité d'un procès-verbal de conciliation puisse être contestée, lorsque le bureau de conciliation n 'a pas rempli son office en ne vérifiant pas que les parties étaient informées de leurs droits respectifs (Cass. soc., 28 mars 2000, n° 97-42.419, Société Durafroid c/ M Martin et autre, publié : Dr. soc. 2000, p. 661, obs. M. Keller, D. 2000, p. 537, obs. J. Savatier [LXB=A6373AG7]). Il résulte de cette même décision que l'accord constaté par le procès-verbal doit être annulé dès lors que le salarié n'a obtenu que des sommes qui lui étaient dues en contrepartie de son désistement.
On est par suite en droit de se demander ce qu'il serait advenu de la transaction constatée par le procès-verbal de conciliation si, dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt du 18 février 2003, la salariée avait opté pour une telle démarche, au lieu d'introduire une nouvelle instance devant le conseil de prud'hommes.
Gilles Auzero, Maître de conférences à l'Université Montesquieu Bordeaux IV