COUR DE CASSATION
Première chambre civile
Audience publique du 2 mai 2001
Pourvoi n° 98-22.706
Mme Marie ...
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M. Lionel ...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par Mme Marie ..., demeurant Paris,
en cassation d'un arrêt rendu le 13 octobre 1998 par la cour d'appel de Paris (2e chambre, section A), au profit de M. Lionel ..., demeurant Fontenay-sous-Bois,
défendeur à la cassation ;
En présence de
1°/ Mme Nadine ..., demeurant Paris,
2°/ Mme Anny ..., demeurant Paris;La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 mars 2001, où étaient présents M. Lemontey, président, M. Guérin, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, M. Roehrich, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Guérin, conseiller, les observations de Me ..., avocat de Mme ..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. ..., les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que les époux ......... ont eu deux filles, Liliane Reznik, épouse Storchan, et Marie ..., divorcée ... ; que la première étant décédée le 24 décembre 1973 en laissant un fils, Lionel, ils ont cédé à la seconde en 1974 et 1977 des parts de sociétés civiles immobilières ; qu'après le décès de ses grands-parents, M. Lionel ..., venant en représentation de sa mère prédécédée, a demandé que sa tante, Mme Marie ..., soit condamnée à rapporter à la succession de Michel Reznik 49 parts de la SCI du 21, rue d'Antin et 398 parts de la SCI du 240, rue Saint-Martin ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 13 octobre 1998) a fait droit à cette demande ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, tel qu'exposé au mémoire en demande et reproduit en annexe
Attendu que Mme Marie ... fait grief à la cour d'appel d'avoir dit que ces parts provenaient de donations déguisées, en statuant par des motifs dubitatifs, sans caractériser l'impécuniosité qui l'aurait empêchée de les acquérir ;
Mais attendu qu'après avoir, au vu des avis d'imposition produits, examiné la situation financière de Mme Marie ... à l'époque des cessions litigieuses et constaté qu'elle ne disposait pas de revenus suffisants pour pouvoir procéder aux apports nécessaires ou consentir à ses parents des avances en remboursement desquelles les cessions auraient été effectuées, la cour d'appel a souverainement déduit de ses constatations l'existence de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes pour retenir que les opérations litigieuses, auxquelles la requérante ne pouvait attribuer de contrepartie, n'avaient eu pour cause que l'intention libérale de ses parents et constituaient des donations déguisées ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision et que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches
Attendu que Mme Marie ... fait encore grief à la cour d'appel d'avoir ordonné le rapport à la succession des parts litigieuses, alors, selon le moyen, 1°) qu'en ne justifiant pas en quoi la prétendue donation aurait été rapportable et non pas seulement réductible à la quotité disponible, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard des articles 843, 844 et 1134 du Code civil; 2°)qu'en refusant de rechercher par expertise l'importance des donations consenties par les époux ... avant sa mort à Liliane Reznik, et donc de statuer sur le respect de la quotité disponible, la cour d'appel aurait privé sa décision de tout fondement légal au regard des mêmes textes;
Mais attendu que, d'une part, il incombe à l'héritier gratifié d'établir que la libéralité dont il a bénéficié est dispensée de rapport et que le fait qu'une donation soit déguisée ne peut suffire à constituer cette preuve ; que Mme Marie ... n'ayant jamais prétendu que les donations litigieuses auraient été dispensées de rapport, la cour d'appel n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ; que, d'autre part, ayant constaté que tous les biens figurant à la déclaration de succession de Liliane Reznik étaient des biens communs, la cour d'appel a souverainement estimé que l'expertise sollicitée n'était pas justifiée ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Marie ... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mme Marie ... à payer à M. Lionel ... la somme de 10 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux mai deux mille un.