ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, 27-11-1998, n° 97-40423, publié au bulletin, Cassation.



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION

Assemblée Plénière

27 Novembre 1998

Pourvoi N° 97-40.423

M. ...

contre

société Afimec.

Sur le moyen unique Vu l'article L 122-14-2 du Code du travail ;

Attendu, selon ce texte, que l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement mentionnée à l'article L 122-14-1 ; qu'à défaut le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant sur renvoi après cassation, que M. ..., engagé le 24 novembre 1988 en qualité de technicien d'atelier par la société Afimec a été licencié pour faute grave par lettre du 14 octobre 1991, ainsi rédigée " le litige qui vous oppose à la société Bois et Emballages, fournisseur habituel d'Afimec nous concerne puisqu'il est susceptible d'entacher les bonnes relations commerciales que nous entretenons avec cette entreprise. Quoi qu'il en soit, pour les motifs qui vous ont été exprimés dans notre lettre de convocation du 8 octobre, et sur lesquels vous n'avez pas jugé bon de vous expliquer, nous vous notifions par la présente votre licenciement " ;

Attendu que pour décider que l'employeur avait satisfait à l'exigence légale de motivation, la cour d'appel énonce que la lettre de licenciement renvoyait clairement aux raisons exposées dans le courrier de convocation à l'entretien préalable, qu'au surplus elle contenait une brève motivation faisant manifestement référence aux faits qui, étant matériellement vérifiables, constituaient un motif de licenciement suffisamment précis ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la référence dans la lettre de licenciement aux motifs contenus dans le courrier de convocation à l'entretien préalable ne constitue pas l'énoncé des motifs exigé par la loi, et qu'à elle seule, la mention du litige opposant le salarié à une entreprise fournisseur était insuffisante pour satisfaire aux exigences légales, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 décembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de DijonMOYEN ANNEXE Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. Ilidio Alves. ... ... ... ...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté un salarié, M. Ilidio ..., l'exposant, de ses demandes d'indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés sur préavis, et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, AUX MOTIFS QUE l'obligation faite à l'employeur par l'article L 122-14-2 du Code du travail d'énoncer les motifs de sa décision dans la lettre de licenciement est destinée à assurer l'information du salarié sur les raisons de son congédiement ; qu'il est satisfait à cette exigence légale lorsque la lettre de licenciement comporte un renvoi clair et non équivoque aux motifs circonstanciés exposés dans la lettre de convocation à l'entretien préalable ; qu'en l'espèce, la lettre adressée le 8 octobre 1991 à M. Ilidio ... pour le convoquer à un entretien préalable fixé au 11 octobre suivant, auquel il ne s'est pas présenté, précisait que le licenciement alors envisagé et précédé d'une mise à pied conservatoire reposait sur divers reproches qui y étaient énoncés ;

que M. Ilidio ... avait alors répondu à son employeur, par une lettre datée du 10 octobre, dans laquelle il discutait la réalité des faits qui lui étaient reprochés, en exposant notamment que le problème évoqué dans la lettre de convocation à l'entretien préalable ne regardait aucunement la société Afimec et annonçait qu'il ne viendrait pas à l'entretien destiné à recueillir ses explications en raison d'un rendez-vous avec son avocat pour régler d'autres problèmes existant dans l'entreprise ; que la lettre de licenciement pour faute grave notifiée ensuite le 14 octobre 1991 à M. Ilidio ... renvoyait clairement aux raisons énoncées dans la lettre du 8 octobre, dans des conditions exemptes de toute ambiguïté, en rappelant que ce salarié n'avait pas jugé bon de s'expliquer sur les motifs qui avaient été exprimés dans cette lettre de convocation ;

qu'elle précisait en outre, répondant ainsi aux observations écrites du salarié, que le litige opposant ce dernier à la société Bois et Emballages, fournisseur habituel d'Afimec, concernait bien l'employeur parce qu'il était susceptible d'entacher les bonnes relations commerciales entretenues avec cette entreprise ; que cette motivation par renvoi aux raisons exposées dans la lettre du 8 octobre 1991 engageant la procédure de licenciement ne pouvait laisser subsister aucun doute dans l'esprit du salarié sur les causes de son licenciement, alors qu'il avait pris l'initiative de répondre à l'avance aux reproches de son employeur, sans toutefois se présenter à l'entretien préalable pour s'en expliquer ; qu'elle satisfaisait ainsi aux exigences légales ; que M. Ilidio ... n'est donc pas fondé à invoquer une absence de motivation de la lettre de licenciement pour en conclure que cette décision ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse ; qu'au surplus, la lettre du 14 octobre 1991 ne contenait pas seulement un renvoi aux motifs circonstanciés exposés dans la correspondance du 8 octobre précédent, mais aussi un bref rappel des faits sur lesquels reposait cette décision, en forme de réponse aux explications écrites du salarié ;

qu'il y était en effet énoncé que, contrairement à ce que M. ... pouvait imaginer, le litige qui l'opposait à la société Bois et Emballages concernait son employeur puisqu'il était susceptible d'entacher les bonnes relations commerciales qu'il entretenait avec cette entreprise ;

que cette brève motivation faisait manifestement référence aux faits du 4 octobre précédent, longuement exposés dans la lettre de convocation à l'entretien préalable et qui, étant matériellement vérifiables, constituaient un motif de licenciement suffisamment précis pour répondre aux exigences légales ;

ALORS QUE, d'une part, en application de l'article L 122-14-2 du Code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement mentionnée à l'article L 122-14-1 ; qu'à défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, peu important quelque référence que ce soit au contenu de la lettre de convocation à l'entretien préalable ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a donc violé les dispositions susvisées ;

ALORS QUE, d'autre part, le motif porté dans la lettre de licenciement doit être précis et se suffire à lui-même ; qu'en l'espèce, la seule référence à un litige opposant le salarié exposant à une autre société ne pouvait satisfaire aux exigences de l'article L 122-14-2 du Code du travail, ainsi derechef violé.