Cass. soc., 28-10-1998, n° 96-43.855, Cassation



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION

Chambre Sociale

28 Octobre 1998

Pourvoi N° 96-43.855

société ECM, société à responsabilité limitée

contre

M. Serge ...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par la société ECM, société à responsabilité limitée, dont le siège est Saint-Ouen, en cassation d'un arrêt rendu le 31 mai 1996 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre, section B), au profit de M. Serge ..., demeurant Asnières, défendeur à la cassation ;

M. ... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 1er juillet 1998, où étaient présents M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Soury, conseiller référendaire rapporteur, M. ..., Mme ..., conseillers, M. Boinot, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Soury, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat de la société ECM, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen du pourvoi de la société ECM

Vu les articles 1134 du Code civil et L 121-1 du Code du travail ; Attendu que M. ... a été engagé le 29 mai 1991 par la société Maser, filiale du groupe CRIT, en qualité d'ingénieur frigoriste ; qu'en application de la clause de mobilité insérée dans son contrat de travail, il a été muté le 1er mars 1992 au sein de la société ECM, autre filiale du groupe CRIT, implantée à Argenteuil ;

qu'il a été affecté sur le site de Bois-le-Roi de la société Maser à compter du 25 février 1993 ; qu'ayant refusé cette dernière affectation, il a été licencié pour faute grave le 12 mars 1993 ;

que contestant cette mesure, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que pour condamner la société ECM à payer à M. ... des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt attaqué énonce que le contrat de travail prévoit en son article 3 que l'employeur peut en transférer l'exécution au sein du groupe CRIT ; que le salarié, en apposant la mention "lu et approuvé", a donné son accord express à l'application de ladite clause ; qu'il a justifié son refus de rejoindre sa nouvelle affectation de Bois-le-Roi par le fait qu'elle était distante de son domicile d'Asnières d'environ 115 km par la route, portant ainsi à 3 heures par jour la durée de son trajet par les transports publics, le lieu de travail étant lui-même situé à une demi-heure à pied de la gare ; qu'ayant demandé à la société ECM de lui compenser les coûts supplémentaires engendrés par ce trajet, le salarié n'a obtenu que le seul remboursement de l'abonnement de transport dit "carte orange" ; qu'en modifiant dans ces conditions l'exécution du contrat de travail de M. ..., l'employeur l'a unilatéralement modifié dans des proportions incompatibles, faute d'accord du salarié, avec la poursuite des relations de travail ; qu'en effet, l'article 3 du contrat qui stipule que toute affectation dans l'une des sociétés du groupe CRIT est contractuellement tenue pour une modification non substantielle, ne peut s'appliquer dans le cas où comme en l'espèce, le transfert a pour effet d'imposer sans compensation au salarié des durées de trajet et des conséquences financières inhabituelles en région parisienne, n'ayant pas fait l'objet d'un accord préalable express ; que le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié avait été affecté sur le site de Bois-le-Roi en application de la clause de mobilité insérée dans son contrat de travail, ce dont il résultait que cette nouvelle affectation ne modifiait pas ce contrat, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal de la société ECM et sur le pourvoi incident de M. ...

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mai 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne M. ... aux dépens ;

demandes de la société ECM et de M. ... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.