Cass. soc., 27-01-1993, n° 91-45.777, Rejet.



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION

Chambre Sociale

27 Janvier 1993

Pourvoi N° 91-45.777

Mme ...

contre

Fondation européenne des métiers de l'image et du son.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 octobre 1991), que Mme ..., engagée le 21 novembre 1973 en qualité de téléphoniste-standardiste-secrétaire par l'Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC), dont le personnel devait ultérieurement être repris par la Fondation européenne des métiers de l'image et du son (FEMIS), a été affectée, à compter du mois de mai 1988, au poste d'assistante du directeur des services techniques de la Femis, M. ... ; qu'à la suite des accusations de harcèlement sexuel qu'elle avait portées contre celui-ci, une procédure de licenciement a été engagée contre elle, mais qu'il n'y a pas été donné suite, l'employeur se bornant à l'affecter à un autre poste ; qu' estimant avoir été l'objet d'une mutation disciplinaire, la salariée a déclaré prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, a refusé de venir travailler dans l'entreprise et a saisi le conseil de prud'hommes de demandes en paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts tant pour licenciement abusif que pour préjudice moral ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de la salariée

Attendu que la salariée fait grief à la cour d'appel de l'avoir déboutée de ses demandes en indemnités de préavis et de licenciement et de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors que, d'une part, en affirmant que la mutation dont elle avait fait l'objet n'avait aucun caractère disciplinaire, mais constituait une remise en ordre dans le conflit opposant Mme ... à M. ..., tout en relevant, par ailleurs, que les faits reprochés à la salariée n'avaient pas la gravité alléguée au regard des procédés d'une grossièreté intolérable et répugnante utilisés par son supérieur hiérarchique et que la direction avait monté un scénario pour provoquer la chute de Mme ..., la cour d'appel, qui a ainsi mis en évidence le détournement de pouvoir dont s'était rendu coupable l'employeur, n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlaient et a violé les articles L 122-4 et L 122-40 du Code du travail ; alors que, d'autre part, en se bornant à affirmer, pour décider que la mutation de Mme ... ne constituait pas une modification substantielle de son contrat de travail, qu'elle continuerait à accomplir dans son nouveau poste les tâches qui étaient les siennes au sein du service technique où elle était précédemment affectée sans préciser sur quoi elle se fondait pour considérer que le poste nouveau d'assistante du responsable d'un service purement comptable ne comporterait que des tâches administratives, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que le changement d'affectation de Mme ... avait été décidé dans l'intérêt de l'entreprise et a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, que le contrat de travail n'avait pas subi de modification substantielle ; que l'employeur n'ayant pas sanctionné son refus de rejoindre son nouveau poste, la salariée a justement été déboutée de ses demandes fondées sur l'existence d'un licenciement ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident

Attendu que l'employeur fait grief à la cour d'appel de l'avoir condamné à payer des dommages-intérêts à la salariée en réparation d'un préjudice moral au motif qu'après avoir dû subir l'humiliation de comparaitre devant le conseil de discipline, elle a été reconnue innocente, alors que les membres du conseil de discipline, dont l'avis avait été recueilli par le délégué général de la société, M. ..., avaient seulement à répondre à la question de savoir si les allégations portées par Mme ... contre son chef de service justifiaient, selon eux, un licenciement pour faute grave ; que trois des membres du conseil de discipline ayant voté négativement, il résultait simplement de ce vote que les faits reprochés à Mme ... ne constituaient pas une faute grave ; qu'en affirmant au contraire qu'il résultait de ce vote que Mme ... avait été reconnue innocente, la cour d'appel a dénaturé le procès-verbal de réunion du conseil de discipline et violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'abstraction faite du motif critiqué, la cour d'appel a relevé, d'une part, que l'employeur avait agi de façon inconsidérée et humiliante pour la salariée en engageant contre elle des poursuites disciplinaires sans vérifier le bien fondé des accusations qu'elle portait contre son supérieur hiérarchique et, d'autre part, qu'il avait refusé, à l'issue de la procédure disciplinaire, qui n'avait abouti au prononcé d'aucune sanction, de faire une mise au point publique ainsi que le prévoit la convention d'entreprise ; que la cour d'appel a pu ainsi retenir les fautes de l'employeur ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE les pourvois principal et incident.