Cass. soc., 25-09-2013, n° 11-23.705, F-D, Cassation



SOC. PRUD'HOMMES MF

COUR DE CASSATION

Audience publique du 25 septembre 2013

Cassation

M. FROUIN, conseiller le plus ancien faisant fonction de président

Arrêt no 1544 F-D

Pourvoi no U 11-23.705

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Jocelyne Z, domiciliée Baie-Mahault,

contre l'arrêt rendu le 30 mai 2011 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant

1o/ à Mme Marie-Agnès Y, domiciliée Le Gosier, pris en qualité de mandataire ad hoc des sociétés CEE et Buro Déco,

2o/ à l'AGS de Fort-de-France, dont le siège est Fort-de-France,

défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 9 juillet 2013, où étaient présents M. Frouin, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Terrier-Mareuil, conseiller, M. Weissmann, avocat général, Mme Becker, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme Z, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique

Vu les articles 2277 ancien du code civil alors applicable et L. 3251-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z, qui était employée en qualité de directrice administrative des sociétés Bureau Déco et Compagnie européenne d'équipement (CEE) suivant deux contrats de travail, a été licenciée par ces deux sociétés le 8 janvier 1997 ; que le 21 février 1997 la liquidation judiciaire des deux sociétés, a été prononcée ; que, par jugement rendu le 21 octobre 1997, le conseil de prud'hommes a fixé la créance de la salariée à titre de commissions dues pour les années 1995 et 1996 au passif de la société CEE ; que le 15 janvier 2003, la salariée a saisi à nouveau la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de commissions non perçues ;

Attendu que pour déclarer cette demande irrecevable, l'arrêt, après avoir relevé que le dépôt du rapport d'expertise, sur lequel se fondait la salariée, a révélé pour elle une situation nouvelle qu'elle ne pouvait connaître antérieurement, retient que la demande de l'intéressée porte sur le règlement de commissions pour les années 1995 et 1996, que se prescrivent par cinq ans les actions en paiement des salaires, que le rapport d'expertise a été établi le 31 août 1998, que lorsqu'elle a saisi la juridiction prud'homale le 15 janvier 2003 la salariée avait connaissance de ce rapport, de sorte que la prescription quinquennale est acquise ;

Attendu cependant que le délai de prescription d'une créance de rémunération court à compter de la date à laquelle le salarié a connaissance des éléments ouvrant droit à une rémunération ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que la salariée n'avait eu connaissance des sommes dues selon celle-ci à titre de commissions pour les exercices 1995 et 1996 que le 31 août 1998, date de dépôt du rapport d'expertise, ce dont il résultait que le délai de prescription avait commencé à courir à compter de cette date et n'était pas expiré au 15 janvier 2003, date de saisine de la juridiction prud'homale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ;

Condamne Mme Y aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Y à payer à Mme Z la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme Z.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la demande de madame Z irrecevable ;

AUX MOTIFS QUE, sur l'unicité de l'instance, le principe de l'unicité de l'instance est celui de l'interdiction des instances multiples à l'exception de l'hypothèse où les causes de nouvelles prétentions ne sont nées ou n'ont été connues du salarié que postérieurement à la demande initiale ; qu'en l'espèce, il s'est révélé, quelques mois après le jugement du conseil de Prud'hommes du 21 Octobre 1997, par le dépôt du rapport Ouaniche, le 31août 1998, une situation nouvelle pour madame Z, qu'elle ne pouvait connaître antérieurement ; qu'il convient donc de dire que la demande est recevable au regard de l'article R 516-1 du Code du travail ; que, sur la prescription, la demande de madame Z porte sur le règlement de commissions pour les années 1995 et 1996 ; qu'elle a saisi le conseil de Prud'homme le 15 Janvier 2003 ; que la nouvelle demande de madame Z est intitulée " Règlements des commissions à titre de dommages et intérêts " mais madame Z réclame bien des commissions qualifiées faussement de dommages-intérêts ; que la meilleure preuve de la nature juridique des sommes aujourd'hui revendiquées résulte d'un rapport d'expertise de monsieur ... qui est versé aux débats comme justificatif du montant demandé ; qu'il résulte de ce rapport que l'expert établit un calcul des sommes qui pourraient être dues à madame Z en indiquant qu'il appartiendra au tribunal d'apprécier la rémunération en fonction des différentes analyses cidessus ; qu'or il résulte des dispositions combinées des articles L.143-14 du code du travail et 2277 du code civil que se prescrivent par cinq ans les actions en paiement des salaires et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ; que le rapport Ouaniche a été établi le 31 août 1998 comme le rappelle madame Z elle-même dans ses écritures ; que donc lorsque madame Z a saisi la juridiction le 15 janvier 2003, elle avait connaissance du rapport d'expertise; qu'il convient de déclarer acquise la prescription quinquennale édictée par l'article L.143-14 du code du travail et de débouter l'exposante de ses demandes, en confirmation du jugement ;

ALORS QUE la prescription quinquennale ne court pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier ; que la cour d'appel a constaté que madame Z ne pouvait avoir connaissance des commission impayées qui lui étaient dues au titre des exercices 1995 et 1996 avant le dépôt le 31 août 1998 du rapport d'expertise de monsieur ... ; que le délai de prescription quinquennale, qui n'a pu commencer à courir qu'à compter de cette date, n'avait pas expiré lors de la saisine du conseil de Prud'hommes par la salariée, le 15 janvier 2003 ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 3245-1 du code du travail et 2277 du code civil, dans sa version antérieure à loi no 2008-561 du 17 juin 2008.