Cass. soc., 07-11-1990, n° 89-10.483, Cassation.



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION

Chambre Sociale

07 Novembre 1990

Pourvoi N° 89-10.483

Syndicat CFDT Hacuitex du Bas-Rhin

contre

société Bonneterie alsacienne Labonal

Sur le premier moyen Attendu que la société Bonneterie alsacienne Labonal, qui exploite une unité de production employant environ 450 salariés, a conclu à partir de 1982 avec les organisations syndicales représentées au sein de l'entreprise un certain nombre d'accords sur la durée et sur l'aménagement du temps de travail ; que de nouvelles négociations ouvertes en 1988 avec les syndicats ont conduit à la signature de deux accords distincts, signés le 24 juin 1988 par le seul syndicat CGC, l'un fixant la durée du travail à 38 heures par semaine avec maintien du salaire en vigueur, l'autre portant sur la modulation des horaires ; que le syndicat CFDT Hacuitex du Bas-Rhin a formé opposition à ces accords en application de l'article L 13226 du Code du travail ; que la société a fait connaître qu'elle considérait cette opposition comme fondée en ce qui concerne l'accord de modulation des horaires, mais que l'accord sur la durée du travail, n'étant pas dérogatoire, n'était pas susceptible d'opposition ;

Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté sa contestation, alors que, selon le moyen, il résulte des textes applicables que durée du travail et aménagement du temps de travail sont indissociables ; que par suite en dissociant ces deux notions et, par voie de conséquence, la possibilité pour le syndicat CFDT d'exercer ou non son droit d'opposition, la cour d'appel a violé l'article L 13226 du Code du travail , R 21281 et 2 du même code ; et alors, en outre, qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que les précédents accords conclus entre les parties portaient conjointement sur la durée et l'aménagement du temps de travail ; qu'en conséquence la négociation séparée de ces dispositions emportait dénonciation partielle et irrégulière de la dernière convention, bouleversant son économie, dénonciation illicite ; que la cour d'appel, qui n'a pas tiré cette conséquence nécessaire de ses constatations, a violé les articles 1134 du Code civil et L 1328 du Code du travail ;

Mais attendu, d'une part, que la négociation sur la durée effective du temps de travail dans l'entreprise n'est pas indissociable en soi de la négociation sur l'aménagement du temps de travail ; que des accords d'entreprise sur ces deux sujets pouvaient être négociés et conclus séparément ; que le moyen, en sa première branche, n'est pas fondé ;

Attendu, d'autre part, que le syndicat n'ayant pas soutenu dans ses conclusions d'appel que la négociation de l'accord sur la durée du travail emportait dénonciation partielle et illicite d'une convention antérieure qui aurait porté à la fois sur la durée du travail et sur la modulation des horaires, le moyen, en sa seconde branche, est nouveau et mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;

Mais sur le second moyen

Vu l'article L 1322 du Code du travail ;

Attendu que pour décider que l'accord du 24 juin 1988, bien que n'ayant été signé que par la société et par la CGC, engageait l'ensemble du personnel, l'arrêt énonce qu'il est constant que la CGC est reconnue comme organisation syndicale représentative au plan national et que l'organisation catégorielle d'un syndicat ne limite pas son intervention à la catégorie concernée et engage l'ensemble du personnel ;

Attendu cependant qu'une organisation syndicale catégorielle représentative sur le plan national ne saurait conclure une convention ou un accord d'entreprise engageant l'ensemble du personnel que si elle est représentative dans l'entreprise de toutes les catégories de salariés, ce qu'il lui appartenait de démontrer ; qu'en décidant que la CGC, reconnue représentative au plan national par l'arrêté du 31 mars 1966 pour les cadres seulement, pouvait signer un accord sur la durée du travail applicable à tout le personnel de l'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz