Cass. soc., 29-05-1979, n° 78-40.553, publié, REJET
La présente décision est rédigée dans sa version originale en lettres majuscule. Pour faciliter votre lecture, nous avons tout rédigé en minuscule sauf les premiers lettres de phrase. Il se peut que certains caractères spéciaux ou accents n’aient pas pu être retranscrits.
Sur le premier moyen, pris de la violation du preambule de la constitution du 27 octobre 1946 et des articles l. 521-1 du code du travail, 12 et 455 du nouveau code de procedure civile, defaut de motifs, defaut de reponse a conclusions, et manque de base legale :
Attendu que journiac, ouvrier au service de la societe des etablissements lhomme, s'etant, seul dans cette entreprise, absente le 7 octobre 1976 pour participer a une greve nationale, a ete licencie avec effet immediat et sans indemnites par son employeur ;
Attendu que la societe fait grief a l'arret attaque, de l'avoir condamnee notamment a payer a journiac des dommages-interets pour rupture abusive du contrat de travail, une indemnite compensatrice de preavis, une indemnite de licenciement, aux motifs que la societe ne pouvait ignorer l'existence de la greve en raison de la publicite qui lui avait ete donnee et que peu importait que des revendications n'eussent pas ete prealablement formulees a l'interieur de l'entreprise, alors, d'une part, que la greve est la cessation concertee et collective du travail et que la cour ne s'est pas expliquee sur l'ampleur du mouvement dont il s'agissait, d'autre part, que la greve ayant pour but d'appuyer des revendications professionnelles determinees auxquelles l'employeur refuse de donner satisfaction, la cour d'appel ne pouvait dire qu'il importait peu que des revendications professionnelles n'eussent pas ete formulees a l'interieur de l'entreprise, enfin, que, dans des conclusions demeurees sans reponse, la societe avait fait valoir qu'aucune revendication professionnelle propre a l'entreprise n'avait ete formulee par le personnel de celle-ci et qu'il n'etait pas possible de se fonder sur des considerations d'ordre general pour legitimer l'absence d'un seul salarie de l'entreprise ;
Mais attendu que la cour d'appel a releve que la greve du 7 octobre 1976 avait pour but d'appuyer des revendications professionnelles formulees sur le plan national ;
Qu'il importait peu, dans ces conditions, que journiac eut ete le seul a faire greve dans son entreprise et qu'aucune revendication professionnelle particuliere a celle-ci n'eut ete formulee ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fonde ;
Sur le deuxieme moyen, pris de la violation du preambule de la constitution du 27 octobre 1946 et des articles l. 521-1 du code du travail et 12 et 455 du nouveau code de procedure civile, defaut de motifs, contradiction de motifs, denaturation des conclusions d'appel du demandeur et manque de base legale :
Attendu que la societe fait encore grief a l'arret attaque d'avoir dit que journiac avait participe a une greve licite au motif que le caractere professionnel des revendications formulees sur le plan national ne saurait etre conteste puisqu'il s'agissait du pouvoir d'achat des salaries a l'augmentation duquel se serait heurtee la realisation du "plan barre" de stabilisation de la monnaie, ceci en depit du caractere politique de la decision syndicale alors, d'une part, que la greve devient illicite lorsqu'elle s'immisce dans l'exercice des actes reserves a la puissance publique, d'autre part, que la cour d'appel, qui avait constate le caractere politique de la decision syndicale ne pouvait, sans se contredire, declarer licite la greve suivie par les salaries parce que le caractere professionnel des revendications ne saurait etre conteste, enfin, que la cour d'appel n'a pu declarer la greve licite que par une denaturation des conclusions du salarie qui avait affirme son caractere politique en rappelant que la greve avait ete declenchee pour protester contre la politique economique et sociale du gouvernement qualifiee par la presse de "plan barre" ;
Mais attendu que les juges du fond ont constate que la greve avait pour objet le refus du blocage des salaires, la defense de l'emploi et la reduction du temps de travail, revendications etroitement liees aux preoccupations quotidiennes des salaries au sein de leur entreprise ;
Que la cour d'appel appreciant la portee et la valeur probante des elements qui lui etaient soumis, a estime que la greve avait ainsi pour but d'appuyer des revendications professionnelles ;
Qu'il s'ensuit qu'elle a legalement justifie sa decision ;
Sur le troisieme moyen, pris de la violation des articles 1134 du code civil, l. 521-1 et l. 523-7 et suivants du code du travail et 12 et 455 du nouveau code de procedure civile, defaut de motifs et manque de base legale :
Attendu que la societe fait enfin grief a l'arret attaque d'avoir dit que journiac avait participe a une greve licite, au motif qu'il n'avait pas a prevenir son employeur de sa participation a une greve qui presentait un caractere national et dont ce dernier ne pouvait ignorer l'existence en raison de la publicite qui lui avait ete donnee, alors que tous les conflits collectifs de travail sont obligatoirement soumis aux procedures de conciliation et que c'est en violation de ces dispositions imperatives que la cour a admis que le salarie n'avait pas a informer son employeur de sa participation a un mouvement de revendication etranger a l'entreprise ;
Mais attendu, d'une part, que les revendications qui avaient ete portees sur un plan professionnel national n'interessaient pas le seul employeur de journiac, qui n'avait pas a l'informer specialement de sa participation a la greve, d'autre part, qu'il ne resulte pas des articles l. 523-1 et suivants du code du travail que les procedures de conciliation doivent preceder la greve ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fonde ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi forme contre l'arret rendu le 31 janvier 1978 par la cour d'appel d'amiens.